Story time Carrière : Ce que mes managers m’ont appris

Actuellement, je traduis à titre bénévole un livre sur le Yi King (dont j’ai parlé ici). Ce livre millénaire chinois considère que toutes les situations de la vie peuvent être résumées en 64 hexagrammes. Chaque hexagramme a 6 lignes, soit yin soit yang et selon leur emplacement et leur nature, on a 6 types de personnalité dans une situation donnée. Beaucoup d’exemples sont donnés dans le cadre de l’entreprise donc ça m’a fait penser au temps où j’étais salariée et devais mener ma carrière dans le flou artistique et apprendre le jeu politique en entreprise. Je vais vous raconter quelques histoires ici.


Quand j’étais au lycée en France, j’étais très proche d’une fille dont le père est PDG de la filiale française d’une grande société italienne. On s’est rapprochées car toutes les deux nous étions introverties. Comme mes parents habitent au Vietnam (c’est toujours le cas), elle m’invitait de temps en temps chez elle pour profiter de l’ambiance familiale. C’est là que j’ai pu discuter avec son père lors des repas. J’étais trop jeune pour profiter d’une telle opportunité, mais ses parents étaient suffisamment fins pour me donner des conseils qui me seront utiles toute la vie, juste en racontant leur histoire.

Ils habitaient dans une très belle maison et je supposais qu’ils y avaient toujours vécu. Un jour, sa maman a sorti l’album de famille et m’a montré que le canapé actuel datait de l’époque où toute la famille était encore dans un F2. J’ai ainsi compris que cette belle maison pouvait s’obtenir à la sueur du front, que tout était possible, que je pouvais peut-être, moi aussi, m’offrir une telle maison un jour.

Une autre fois, son père m’a dit qu’il était très difficile de le remplacer au travail car comme la société mère était basée en Italie, il fallait absolument avoir un PDG parlant couramment italien. C’était son point fort car les français n’étaient pas doués en langues étrangères. Je l’écoutais et n’en pensais pas grand chose, moi qui ne voulais pas apprendre l’italien, mais je retiens tout ce qu’on me dit. Et quand j’étais assez mature pour comprendre, je me suis rappelée de cette conversation et j’ai conclu que parler une langue étrangère était indispensable. Pendant les années qui suivirent, mon objectif principal en école de commerce était de « finir l’anglais ». J’y suis arrivée en me battant : j’ai enchaîné un an de stage en Norvège avec 4 mois d’échange en Australie. Même si j’étais quasiment bilingue après mon année en Norvège, je savais que personne ne me croirait bilingue en anglais sans la mention d’un séjour dans un pays 100% anglophone, d’où mon échange en Australie. Par la suite, les deux premiers contrats de ma vie étaient purement liés à mon niveau en anglais. J’ai compris à quel point il était important de me trouver une niche. Maintenant, c’est le conseil que je donne à tout le monde.

Leçon n°1 : Se trouver une niche !

Dans un autre job, j’ai eu un manager très ambitieux. Au début, je le trouvais trop stratège, ce n’était pas mon style, mais il m’a coachée avec générosité, même si je ne comprenais pas tout tout de suite. Il m’a dit : « Anh, nos boss lisent tous L’Art de la guerre. Il faut que tu lises le même bouquin que tes boss ». Dans ce bouquin, il est indiqué qu’il faut connaître soi-même, son équipe mais encore mieux, connaître ses ennemis (les « ennemis » ici sont des concurrents lol, l’entreprise c’est la guerre). Quand on connaît parfaitement les besoins, les points forts, points faibles de chacun, on peut se trouver une stratégie gagnante.

Le conseil le plus précieux qu’il m’ait donné, c’est « vas demander à ton boss ce qu’il l’empêche de dormir la nuit, c’est quoi son objectif principal et trouve une solution pour qu’il atteigne son objectif ». J’avais sous-estimé ce conseil quand il me l’a donné, mais encore une fois, je retiens tout ce qu’on me dit, et après plusieurs mois à réfléchir et à accepter ce message, je l’ai intégré. On pense souvent que nos boss communiquent clairement leurs objectifs et leurs attentes, mais ce n’est pas le cas. Souvent, ils pensent que leurs problèmes sont trop macro, que les petites mains comme nous ne pouvons rien y faire, mais en réalité, on peut toujours aider un petit peu.

Ce conseil, je n’ai pu l’appliquer que quelques années plus tard, quand j’ai appris que mon N+2 ne trouvait pas de remplaçant sur un grand compte. Bien évidemment, que ce soit mon N+1, mes deux N+2, à qui je répète tous les matins que je veux un grand compte, personne n’a pensé à moi. Personne.

Mais je savais ce dont il avait besoin à ce moment-là, et que ça le travaillait, donc j’ai pris les devants et je lui ai écrit un mail pour lui dire que j’étais dispo, que je pouvais être la remplaçante temporaire, en attendant qu’il trouve quelqu’un de plus senior. Non seulement il m’a filé le compte le lendemain, mais quelques mois plus tard, grâce à la leçon n°4 plus bas, j’ai pu garder ce compte et ça a changé ma vie.

Leçon n°2 : Lire l’Art de la guerre (lien Amazon)
Leçon n°2 bis : Demander à son boss comment on peut l’aider à obtenir SON objectif

Quand j’ai voulu quitter mon premier CDI, c’était avec beaucoup de culpabilité. Je devais à mon boss sa confiance, mon premier CDI et je ne voulais pas chercher un autre job dans son dos. Ainsi, j’ai posé ma démission avant même de postuler ailleurs. Ainsi, je pouvais partir en entretien la tête haute. Mon boss était tellement gentil qu’il m’avait même assistée pendant ma recherche du nouvel emploi. On a eu une longue discussion sur ma carrière et il m’a dit de partir pour un meilleur salaire ou un meilleur poste était « trop facile », alors que la promotion en interne était plus difficile. Il m’a dit : « si j’ai deux CVs, un mec qui monte les échelons en changeant d’entreprise, et un autre qui est promu en interne, je choisirai celui qui a été promu ». Je me suis notée de viser au moins une promotion en interne pour dorer mon CV et plaire aux boss comme lui.

Mais cette phrase, je l’ai comprise seulement quand j’ai dû me battre pour une promotion en interne. Malgré mes évaluations positives en interne, et le temps passé en entreprise, c’était une lutte intense avec les RH pour monter l’échelon.

Deux promotions me sont passées sous le nez. Soit les RH n’annonçaient pas du tout la dispo d’un poste, soit les RH annonçaient mais choisissaient une candidate avec beaucoup moins d’expérience et la raison donnée était « mais elle a dit à son entretien qu’elle voulait être manager ». Ah donc il suffit d’annoncer ce qu’on veut, comme pour la loi d’attraction ? Ainsi, j’ai pris RDV avec les RH, avec les managers et je leur ai expliqué ce que je voulais. Effectivement, obtenir une promotion en interne a plus de valeur car il ne suffit pas d’être bon dans son travail, il faut aussi savoir comprendre et participer aux jeux politiques de l’entreprise. Ce n’était pas quelque chose que j’aimais, c’est pour ça que je suis devenue freelance.

Leçon n°3 : Viser au moins une promotion en interne

Il y avait deux personnes qui se faisaient bien voir auprès des managers. Une personne qui faisait semblant d’arriver très tôt mais en fait était là seulement 10 minutes avant tout le monde, donc tout le monde pensait qu’elle bossait dur depuis 8h30 du matin (car elle partait tôt aussi). Elle s’est également débrouillée pour fumer en même temps que les big boss (pratique !). Et une autre personne qui faisait le tour des managers pour taper la discussion et mentionner de temps en temps ses « exploits ». Ces deux personnes étaient agréables, drôles, gentilles avec les big boss mais étaient désagréables avec les « petites mains ». Donc quand le temps de promotion est arrivé, les big boss les ont promues en premier car ils ne savaient pas du tout à quoi servaient ceux avec qui ils ne parlaient pas. Une fois, j’ai parlé avec un des big boss et il ne m’a dit que des merveilles à propos de ces deux personnes – ce qui m’a fait comprendre que je faisais 10 et on croyait que je faisais 1; alors qu’elles faisaient 1 et disaient qu’elles faisaient 10.

Ainsi, j’ai appris qu’il fallait absolument que le bon travail soit visible pour les N+1, N+2, N+3… jusqu’au président de la République ahahah. Je ne savais vraiment pas comment faire, je ne fumais pas, ne buvais même pas de café, n’allais pas en pot après le boulot car j’étais introvertie, je rentrais tard et je devais apprendre à coder, passer des certifs après ma journée de travail…

…jusqu’à ce qu’un jour, mon N+1 temporaire envoie un mail à mon N+2. Ce mail était très simple : il contenait un graphique montrant une montée fulgurante de CA d’un client très important (que je gérais) à partir du mois X. Dessus, il y avait une flèche indiquant l’origine de cette montée : « arrivée d’Anh sur le compte ». Je n’étais pas en copie. Mais mon N+2 a répondu en me mettant en copie « Félicitations Anh ». Désormais, j’étais visible aux yeux de mon N+2, j’existais enfin! Je n’étais plus une merde qui ramassait les comptes que personne ne voulait. J’ai trouvé la méthode de mon N+1 très fine mais extrêmement efficace. En plus, le résultat obtenu était en grande partie grâce à mon N+1, mais il m’a attribué tout le succès. Bien évidemment, j’ai expliqué au N+2 que ce n’était pas que grâce à moi. Je lui dois beaucoup de choses et je n’ai jamais arrêté de le remercier pour ce mail, ça m’a ouvert beaucoup de portes par la suite. C’est le manager que tout le monde rêve d’avoir je pense ! Merci merci merci !

Je ne sais pas trop ce que sont devenus les deux fayots au-dessus, mais ce que je remarque, c’est qu’on peut juger une personne selon la manière dont elle traite les gens plus bas qu’elle. Mon N+1 en charge de moi pendant un mois seulement, a fait plus de choses pour moi que mon ancien N+1 pendant un an et demi. Une fois, j’ai été émue jusqu’aux larmes quand une CDI d’une autre équipe est allée voir mon boss pour le convaincre de me recruter après mon stage. J’étais une nobody, ça ne lui apportait rien de m’aider, mais elle a pris l’initiative toute seule et je l’ai seulement appris via mon boss.

Plus une personne est en bas de l’échelle, plus elle a besoin, ne serait que d’un mot, d’un geste, ou d’un mail.

Ainsi, je pense qu’il faut mettre en avant son travail mais aussi le travail de ses subordonnés, parce que s’ils bossent bien, c’est aussi grâce à votre bon management.
Il faut aussi rendre visible le travail de ses collègues car tout le monde mérite d’être apprécié pour ses efforts. Donner, c’est recevoir. Il ne faut pas avoir peur de mettre en avant quelqu’un de peur de perdre sa place ou sa promotion, je pense.

Leçon n°4 : Rendre son travail et le travail de ses (gentils) collègues visibles

Dans le Yi King, il y a des conseils sur la prudence. Il y a un hexagramme (numéro 44) qui montre le début du « mal ». Sur les 6 lignes yang, il y a une toute toute petite ligne yin que personne ne fait attention, mais peu à peu, elle va contaminer tout l’hexagramme jusqu’à occuper, 2, 3, puis 6 lignes. Les « bonnes » personnes se trouvent, quelques hexagrammes plus tard, complètement renversées par les méchants.

C’est comme le petit arbre qui poussait au bord du mur de chez mon oncle. Mon oncle pensait qu’il était inoffensif, jusqu’à ce qu’il découvre que les racines se sont approchées des fondations de la maison et qu’il fallait l’abattre avant que la maison ne s’écroule. Il m’a dit que quand il l’a vu pour la première fois, l’arbre ne faisait que 10 cm.

Ainsi, un seul mauvais recrutement dans l’entreprise, une SEULE personne, quelle que soit sa position (mais c’est pire si c’est une personne haut placée), peut tuer complètement une entreprise. Dans sa biographie écrite par Isaacson, Steves Jobs a dit qu’il ne recrutait que les gens de niveau A. Si une seule personne de niveau B rejoint son entreprise, le niveau moyen de l’entreprise risque de devenir C.

J’ai visité la PME d’un ami avant le tour du monde, puis quelques années plus tard, je lui ai demandé des nouvelles de tel ou tel employé avec qui j’ai sympathisé dans son entreprise et il m’a dit « ohhhhlalaaaaa, j’ai failli tout quitter, tout fermer, on n’a plus d’employé !! ». Une personne, UNE seule, a réussi à semer la zizanie dans l’entreprise, et a manipulé toute une équipe pour que tous croient que mon ami les maltraite, en prenant pour exemple un manque de 20 euros sur la prime annuelle, alors que c’était la faute du comptable. Cet incident lui a coûté très cher, car il les a remerciés tous, chacun avec un gros chèque, il les a foutus dehors car l’ambiance était devenue invivable.

Leçon n°5 : Un seul mauvais recrutement peut tuer une entreprise

J’espère que ces histoires vous ont plu. N’hésitez pas à partager mon article avec vos enfants, ou vos stagiaires. Ils ne comprendront peut-être rien sur le moment, mais peut-être comme moi, un jour ça leur fera « tilt ». C’était ma manière de redonner et partager la gentillesse et les bons conseils que j’ai reçus de mes précédents managers. Sharing is caring.

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    Anh

    Anh est franco-vietnamienne et a vécu dans de nombreux pays (Russie, Australie, France, Norvège, Vietnam). Elle aime par dessus tout les chats, le DIY et la bonne cuisine. Ayant une très bonne mémoire, Anh est capable de vous donner le tarif du petit bus pris entre le Chili et la Bolivie qu'elle a pris il y a 3 ans.

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