Il y a des livres qui arrivent dans ma vie de manière tardive mais exceptionnelle. En tant que vietnamienne, je suis fortement exposée à la culture chinoise mais c’est seulement après un transit spécial de Saturne dans mon thème astral (le genre d’événements qui n’arrivent que 2, maximum 3 fois dans la vie de chacun), que ce livre a été mis sur mon chemin. Il absorbe toute ma pensée, car sa portée philosophique fait un effet « boom » dans ma tête.
Comment ce livre s’est présenté à moi ?
Je vis en ce moment une période compliquée et pour me distraire, je regarde des émissions qui ne demandent pas trop de neurones. Tout a commencé avec l’émission « Mind your manners » sur les règles d’étiquette et les bonnes manières par Sara Jane Ho (sur Netflix). Mais comme elle est chinoise, elle a glissé dans cette émission beaucoup d’éléments issus de la culture millénaire chinoise, dont le feng shui. Qui s’intéresse au feng shui entend forcément parler du Yi King. En effet, selon les chinois, la réussite d’un projet dépend de trois éléments :
- L’homme : ses capacités, ses compétences, ses qualités
- Le bon moment
- Le bon lieu, le bon environnement
Par exemple, quand JB a sorti un logiciel gratuit il y a plus de 10 ans, ça a changé sa vie. D’où vient ce succès ? Il a pu réussir car
(1) il était bon
(2) le logiciel est sorti au bon moment. C’était le premier sur le marché à être gratuit et open source. S’il l’avait sortir en 2022, personne n’aurait fait attention à son logiciel car le marché est devenu trop compétitif
(3) nous avons déménagé quelques mois plus tôt : il avait ainsi un bureau à lui dans un salon immense, c’est pour ça qu’il pouvait trouver son temps et surtout le confort pour rester des heures à coder devant son bureau. Alors que dans notre premier appartement, on avait à peine de la place pour s’asseoir, il n’aurait pas pu travailler sur son projet.
Vous voyez comment, avec le même JB, les mêmes compétences et mêmes capacités, il aurait complètement foiré le projet s’il l’avait entrepris au mauvais endroit et au mauvais moment ?
Alors, comment mettre toutes les chances de son côté ? Pour influencer l’environnement et trouver le bon lieu, le feng shui est là pour ça. Nous n’allons pas en parler aujourd’hui. Vous avez déjà l’excellent livre La voie du feng shui (lien Amazon, lien Fnac) qui en parle en détails.
Par contre, pour trouver le bon moment, il y a deux manières :
- faire appel à l’astrologie : cette méthode est très difficile, et après plusieurs années d’apprentissage, je tâtonne toujours. D’ailleurs, même les astrologues pro n’arrivent pas à prédire avec précision. La raison principale, c’est que (1) beaucoup de documents précieux ont été perdus ou brûlés (2) l’astrologie occidentale actuelle n’est plus une astrologie sidérale. Si l’astrologie chinoise Bazi est plus précise, elle est extrêmement difficile à apprendre car il y a trop de mots chinois à retenir 😀 et trop de règles. Les pros disent qu’il faut 5 à 6 ans pour la maîtriser.
- faire appel au Yi King : la méthode est trop simple. En gros, vous posez une question au livre, vous lancez 3 pièces de monnaie 6 fois pour constituer les 6 éléments composant un hexagramme. Vous trouvez la réponse parmi les 64 hexagrammes proposées et en lisant la réponse, vous ressentirez au fond de vous la réponse à votre question.
Yi King, qu’est-ce que c’est ?
Le Yi King (ou Yi Jing, ou I Ching) est un livre ancien qui a commencé en tant que pratique divinatoire et est devenu un reflet de la culture cosmologique chinoise. Il a été écrit entre le 8ème et le 3ème siècle avant JC mais complété au fil des millénaires et est devenu un classique sous les Han. Les occidentaux l’ont découvert au 20ème siècle grâce à la traduction de Richard Wilhelm, dont la préface a été écrite par Carl Jung. Depuis, le Yi King est connu dans le monde entier.
Tout commence avec le YIN (représenté par deux traits discontinus _ _) et le YANG (représenté par un trait continu _). En combinant ces deux signes, on obtient d’abord 4 combinaisons. Puis en combinant ces 4, on en obtient 8 éléments. Et en superposant ces 8 éléments l’un sur l’autre, on obtient 8×8 = 64 hexagrammes. On aurait pu continuer 64×64 mais ça suffit comme ça.
Chaque hexagramme a un nom chinois et on considère que l’univers entier peut être expliqué par ces 64 hexagrammes. Toutes les situations au monde peuvent être expliquées par 64 hexagrammes. Votre travail est au point mort ? L’hexagramme numéro 5 vous dira peut-être qu’il faut « attendre la fin de la crue pour traverser le fleuve », il faut vous préparer davantage avant de passer à l’action. Ces 64 hexagrammes contiennent en plus chacun 6 lignes, donc autant d’informations et évolutions possibles pour votre situation.
Cependant, la valeur du Yi King dépasse son utilisation divinatoire. Il contient toute la philosophie millénaire chinoise. Il a été propagé comme livre divinatoire pour pouvoir être mieux diffusé et accessible au peuple. S’il était simplement un livre philosophique, il aurait été oublié et rangé très vite car incompris. Cette portée divinatoire l’a même sauvé des feux de l’empreur Qin, qui, pour unifier son pays, brûlait tous les livres… sauf ceux ayant un but pratique. L’art divinatoire étant un métier comme un autre, le Yi King a échappé à la destruction.
Tout le système se base juste sur deux éléments : le yin et le yang. C’est un concept tellement scientifique et tellement spirituel à la fois. Scientifique car le mathématicien Leibniz en créait le système binaire : 0 et 1. L’informatique est basé juste sur ça : des 0 et des 1 !! Spirituel car le yin et le yang, pour les chinois, sont à la fois 2 et 1, les deux ont l’air de s’opposer mais se complètent en réalité. Selon eux, un crée deux, puis deux crée trois, trois crée le tout. L’univers est trois (yin et yang et la relation entre le yin et le yang), on retrouve le nombre trois un peu partout, dans la religion, en astrologie, mais aussi dans les atomes : protons, neutrons, électrons. Le yin et le yang ont un impact tellement important dans la culture chinoise, ça explique pourquoi la plus petite entité de la société, c’est la FAMILLE, alors qu’en Occident, la plus petite entité c’est l’INDIVIDU.
Le Yang n’est pas préférable au Yin. Les deux coexistent, sont créés en même temps, sont importants. S’il y a trop de Yang, le Yin va croître pour atteindre l’équilibre, s’il y a trop de Yin, le Yang va croître pour atteindre l’équilibre, ainsi les mutations ont lieu sans fin. Désirer uniquement le YANG, c’est vouloir seulement le jour sans la nuit, le beau temps et jamais la pluie, et pourtant le Yin et le Yang doivent coexister pour que la vie puisse avoir lieu. Ainsi, on ne peut pas être misérable pour toujours, ni heureux pour toujours. Quand on est dans une mauvaise passe, il faut savoir que les meilleurs jours vont arriver, et quand on pense que rien ne peut aller mieux, il faut rester prudent et attentif. Apprendre le Yi King aidera à voir à travers le dualisme le monisme. Passer de 2 à 1. Comprendre le 1, comprendre que tout est un, ne plus faire la différence entre le soi et l’autre.
Il y a tellement de niveaux d’interprétation de ce texte que je ne sais pas si un jour on pourra les citer tous. En tout cas, la portée philosophique de ce texte est immense : déjà, découvrir qu’il existe est déjà une chance, pouvoir comprendre juste une infime partie du texte est une autre chance.
Puisque ce livre a été écrit depuis des milliers d’années, il n’est pas facile de comprendre son contenu. J’ai demandé conseil à mon ami d’origine chinoise et il m’a dit qu’il fallait choisir l’édition avec soin. Des milliers de versions existent pour interpréter, puis réinterpréter le texte. Il est important de choisir la bonne édition selon vos intentions.
Si votre intention est de décoder son message philosophique (en faisant un peu d’art divinatoire), vous pouvez acheter cette édition à la couverture rouge (lien Amazon, lien Fnac). Ce livre explique très bien comment faire un tirage aussi. Celui à la couverture jaune correspond à la traduction de Richard Wilhelm (lien Amazon), préfacée par C. Jung, dont la portée philosophique est encore saluée jusqu’en Orient. Il y a quelques erreurs de traduction mais ses interprétations sont encore très justes. Apprendre le Yi King demande de lire différentes sources donc pour une étude sérieuse, achetez à la fois l’édition jaune et l’édition rouge. S’il faut en acheter qu’une seule, préférez l’édition jaune malgré ses erreurs.
Pour lire le Yi King, commencez par lire absolument tous les 64 Hexagrammes. Les informations sont très denses donc il est conseillé de lire seulement 2 Hexagrammes par jour (il faut lire dans l’ordre, car ils n’ont pas été classés au hasard). Quand vous aurez terminé, recommencez une nouvelle fois, et vous comprendrez mieux la portée philosophique du livre. C’est seulement ensuite que vous pouvez l’utiliser comme un livre divinatoire. Ou mieux encore, après deux lectures, vous n’aurez même plus besoin de l’art divinatoire, car le message philosophique à l’intérieur vous apprendra que la réponse est déjà en vous, que toute médaille a son revers, que le yin se transformera en yang, que tout bouge sans cesse, et chercher à connaître l’avenir n’est pas important. L’être humain est un microcosme. En étudiant le macrocosme, on comprend le microcosme. En étudiant le microcosme, on comprend le macrocosme. Ce qui est en bas est comme ce qui est en haut et ce qui est en haut est comme ce qui est en bas.
Une utilisation plus répandue en Chine, c’est d’associer l’heure et la date de naissance d’une personne à un hexagramme. Il y a des outils informatiques permettant de le calculer. Et à travers cet hexagramme, on saura tout sur cette personne et l’évolution de sa vie. C’est un peu comme de l’astrologie moderne, mais plus succinct. L’édition rouge pourra être utilisée pour ce type d’interprétation. En Occident, l’utilisation est principalement portée sur l’art divinatoire car il a été mis en avant en Occident pour ça justement. Si votre intention est seulement de l’utiliser comme un livre divinatoire, ce petit livre pratique est plus utile (lien Amazon). Il explique très bien comment faire un tirage. Il ne contient pas le texte original, attention ! Mais juste la partie divinatoire, réécrite pour ce que ce soit pratique et compréhensif tout de suite pour vous. Ca peut être une introduction au Yi King et vous donner envie de lire le texte complet plus tard.
Ce que j’ai appris avec le Yi King ?
Pour le moment, je n’ai posé qu’une seule question au Yi King – pour comprendre comment on en fait l’usage divinatoire – et la réponse a été juste, concise, le temps de réalisation juste. L’hexagramme que j’ai eu, ainsi que l’hexagramme de transition ont répondu parfaitement à ma question. Ce n’est pas une coïncidence car parmi les 64, il y en a beaucoup qui n’ont absolument rien à voir avec ma question. J’ai utilisé une méthode chinoise un peu complexe pour connaître la date de réalisation et à ma stupéfaction, la date donnée était correcte.
L’art divinatoire n’est pas mon utilisation principale car je préfère m’appuyer sur l’astrologie sidérale pour déterminer les moments favorables. L’astrologie est, pour moi, une sorte d’horloge avec 10 aiguilles, donc difficile à lire, mais efficace pour indiquer les cycles de la vie, et de l’univers. L’astrologie sert aussi à comprendre le message « tout est un », « l’homme est un microcosme ». Réduire le Yi King simplement à l’art divinatoire, c’est ne pas comprendre sa portée cosmologique.
A part ça, il m’est impossible de faire un résumé des renseignements du Yi King. Il y a des choses qui ne peuvent pas être exprimées via des mots. Et je pense que c’est pour ça qu’il y a des milliers d’interprétation car chacun est capable d’y voir, comme dans un miroir, sa véritable identité. Chaque phrase peut être interprétée de mille manières, mais comment elle raisonne en vous, c’est le plus important. C’est pour ça qu’il est conseillé d’utiliser le Yi King soi-même, et ne pas consulter un expert Yi King car son interprétation peut être biaisée.
Si vous l’avez déjà dans vos mains, et ne le trouvez pas si extraordinaire que ça, ce n’est pas grave. Relisez plus tard. Tout projet demande (1) l’homme (2) le bon moment (3) le bon lieu. Peut-être qu’avec le bon moment et le bon lieu, et une version plus âgée de vous, vous aurez une meilleure lecture du livre, qui sait ?
Autres ressources
Il y a un maître taiwanais qui explique très bien l’origine et les influences du Yi King dans la culture chinoise et le management chinois : Zeng Shiqiang. J’ai trouvé quelques vidéos de son cours sous-titrées en anglais. Ce n’est malheureusement pas complet (le cours complet comporte une centaine de vidéos), mais c’est mieux que rien. Voici la playlist avec 7 vidéos :