En janvier 2025, j’ai changé de métier, et de mode de vie par la même occasion. Je vous raconte.
Petit retour sur les grandes étapes de ma carrière, pour situer :
- 2007 : Je sors diplômé d’un DUT informatique (Bac + 2). J’ai trouvé que c’était une bonne formation, mais très généraliste, un peu insuffisante pour se plonger dans le monde professionnel. La majorité des étudiants poursuivent avec une licence professionnelle (Bac + 3) ou un master (Bac + 5). C’est ce que j’avais prévu, mais j’ai une opportunité de me lancer dans une aventure entrepreneuriale, et je plonge avec l’insouciance d’un gamin de 19 ans.
- Avril 2007 – Décembre 2009 : Je gère, avec mon associé, une entreprise qui ne sera jamais rentable. C’est dur, mais super formateur. J’aime à penser que ce fût la meilleure école de commerce qui soit, et ça m’a coûté beaucoup moins cher qu’une école de commerce 😀
- Janvier 2010 – Mars 2011 : Petite urgence alimentaire, fatigué par deux ans et demi de travail acharné sans gagner ma vie, je rejoins une startup en tant que développeur web. Là aussi, c’est très formateur, mais ça ne correspond pas à ce que je souhaite faire. Je démissionne au bout d’un an. Sans avoir de job, sans toucher de chômage.
- Avril 2011 – Juin 2012 : En 2005, lorsque j’étais au lycée, j’ai découvert l’univers du SEO (« référencement naturel » en français). Je me suis pris de passion pour ce domaine, et je souhaite désormais en faire mon métier. Une agence parisienne est ultra-réputée dans le domaine et je souhaite absolument la rejoindre. Coup de chance, elle recrute, et j’arrive à les convaincre d’embaucher un profil sans expérience comme le mien. S’ensuit l’une des années les plus importantes pour ma vie professionnelle et, par ricochet, pour ma vie personnelle. Un des fondateurs de l’agence, que je considère comme un génie, me prend sous son aile et me fait découvrir un savoir-faire dont je ne soupçonnais pas l’existence. Malheureusement, l’agence a été revendue à un grand groupe deux ans auparavant, et les fondateurs sont sur le départ. J’aurais adoré rester plus longtemps, mais je sens bien que ça ne sera plus comme avant (et la suite me donnera raison). Un de mes clients souhaite me recruter, je saisis l’opportunité.
- Juin 2012 – Juin 2016 : Quatre années enthousiasmantes, je suis responsable SEO d’un des plus gros sites web français. J’ai une équipe géniale et des résultats fantastiques. Je travaille comme un malade, le jour, pour mon employeur, le soir et le WE, en tant que freelance. Je dois faire deux fois 35h par semaine, mais je suis tellement passionné que ce n’est pas vraiment une contrainte. Je développe des compétences, une réputation, du réseau, et je gagne bien ma vie.
- Juin 2016 – Mai 2017 : Alors que nous économisions depuis plusieurs années pour s’acheter un appartement parisien, nous décidons finalement d’utiliser cet argent pour partir en congé sabbatique pendant 11 mois et faire un tour du monde. Une année incroyable !
- Mai 2017 – Décembre 2024 : 11 mois de voyage ne nous ont pas rassasiés, il y a tant à découvrir ! Dès mon retour en France, je démissionne et nous devenons « digital nomads » : nous repartons voyager à travers le monde, tout en travaillant 100% à distance. Les compétences, la réputation et le réseau acquis lors des années précédentes sont très utiles, et nous n’avons jamais eu de soucis pour trouver des missions.
Sur le papier, j’ai ce que beaucoup peuvent considérer comme « une vie de rêve » : j’ai un travail qui me passionne, qui me fait bien gagner ma vie et qui me permet de voyager où je veux en permanence.
Sauf que petit à petit, la passion pour ce métier s’estompe. A partir de 2020 environ, je suis un peu en pilote automatique, je m’ennuie et commence à m’interroger sur mon avenir professionnel. Il n’y a aucune urgence, mais cela fait 15 ans que je fais du SEO, dont 10 à titre professionnel, je ne me vois pas trop continuer 15 ans de plus. De toute façon, je ne suis même pas convaincu que ce métier existera encore très longtemps. Il faut réfléchir à la prochaine étape. Je sais que le Covid a été l’occasion pour beaucoup d’imaginer une reconversion, dans mon cas, je ne crois pas que la pandémie ait été un déclencheur.
Septembre 2021 : Je démarre une première année de Licence… de droit ! Le droit est un univers qui m’a toujours intéressé et j’ai appris, un peu par hasard, que la prestigieuse université Assas proposait un cursus à distance. Il restait quelques jours avant la fin du dépôt des candidatures pour la rentrée 2021, et je m’inscris un peu sur un coup de tête. Avant tout afin de répondre à un objectif de curiosité intellectuelle, mais pourquoi pas… dans quelques années… devenir avocat ?
Juin 2022 : Après une année très exigeante (le boulot + les études de droit + le voyage, ça fait beaucoup !), je valide ma première année et m’inscris pour la seconde. Pendant l’été, j’ai un pépin de santé et subis une intervention chirurgicale en urgence. Au repos forcé pendant un mois, je rate la rentrée de septembre et accumule un retard difficilement rattrapable. Je laisse tomber. De toute façon, même si la première année était très intéressante pour la culture générale, je ne me suis pas pris suffisamment de passion pour le droit pour me convaincre d’y consacrer les 10 prochaines années.
14 janvier 2023 : Il doit être 1h du matin passé, je retarde le moment d’aller me coucher en scrollant machinalement sur Linkedin et je tombe par hasard, sur une publication vidéo d’un ancien collègue. Je n’ai pas trop de raison de cliquer, mais fini par le faire, plus par flemme d’aller au lit qu’autre chose. La vidéo n’est pas ouf, tournée en extérieur, complètement à l’arrache. Mon ancien collègue explique qu’il recrute des experts en cybersécurité, un domaine en pleine croissance, passionnant. Il ne recherche pas forcément des gens avec beaucoup d’expériences, mais des gens passionnés qui savent apprendre. Ca déclenche une étincelle dans mon esprit et ça me semble tout de suite logique, j’ai tout à apprendre dans ce domaine, mais j’ai déjà tout un socle de connaissances informatiques, je ne pars pas complètement de zéro. J’envoie un message à W. pour creuser le sujet.
W. est tout de suite enthousiaste, il est convaincu que mon profil conviendrait très bien à ce nouveau domaine. Il me conseille des ressources pour me documenter et explorer le sujet. Entre janvier et avril 2023, j’y consacre beaucoup de temps. Le domaine est hyper vaste, mais vraiment passionnant. C’est l’un des domaines où les besoins de compétences vont exploser dans les années à venir. Je réalise que je connais déjà de nombreuses bases et c’est très stimulant car on peu passer très vite de la théorie à la mise en pratique.
A partir d’avril 2023, suite à un départ chez mon plus gros client, je me prends une grosse charge de travail, je mets la cybersécurité de côté. En plus de ça, les avancées de l’Intelligence Artificielle ouvrent de nouvelles perspectives pour le SEO et je me lance avec succès dans des projets passionnants. Passionnants, mais pas suffisamment pour me détourner de l’envie de reconversion.
Novembre 2023 : Je suis en plein roadtrip dans l’Ouest Américain, l’immensité des paysages prête à l’introspection et je me décide : ma prochaine carrière sera dans la cybersécurité et mon objectif est de trouver un job dans le domaine début 2025. Cela marquera la fin de notre vie de digital nomad, mais ce n’est pas une contrainte. La lassitude du voyage nous gagne depuis un moment, c’est le temps de passer à autre chose et de démarrer une nouvelle aventure.
Je m’interroge sur la manière de procéder : reprendre des études, trouver une formation, … Je demande conseils à W. Toujours enthousiaste, il me conseille de passer une certification : la Comptia Security+. Une fois obtenu, il pense pouvoir m’aider à trouver un travail au Canada, à Québec où il réside. C’est super motivant et je peux avancer sur la certification de manière autonome, 100% à distance.
Je n’ai jamais lu un livre en anglais en entier, mais là, pas trop le choix. La certification est en anglais (ou en japonais…), j’achète le bouquin de 1 000 pages et commence à l’étudier. A cette période, nous voyageons beaucoup et j’avance assez doucement.
Mars 2024 : Nous décidons de nous poser un mois complet à Buenos Aires en Argentine avec un seul objectif : passer ma certification ! C’est une ville que nous connaissons déjà, je m’enferme donc dans notre Airbnb pour bachoter, ne sortant que pour déguster les délicieuses glaces argentines et assister à quelques matchs de football. Je mets en application la méthode d’apprentissage Anki qui regroupe deux principes : la révision active et la répétition espacée. C’est très efficace, je regrette de ne pas avoir découvert ça plus tôt, mais mieux vaut tard que jamais. En plus d’Anki, Anh a acheté un livre avec des centaines de QCM (c’est le format de l’examen) et me fait faire des tests tous les jours. A la fin du mois, j’obtiens ma certification du premier coup. De manière peu rationnelle, je m’étais mis une énorme pression et c’est un immense soulagement !
A partir de maintenant, l’objectif est de trouver un job. Pas pour tout de suite, car j’ai encore des contrats et des clients à gérer jusqu’à la fin de l’année. La cible : janvier 2025.
En août, entre deux épreuves des Jeux Olympiques, je profite d’être sur Paris pour passer le TOEIC. Cela fait des années que je profite de mes CPF pour prendre des cours en anglais en ligne avec un prof british. Cependant, je n’ai jamais passé d’examen d’anglais et ça va me permettre d’ajouter une note objective sur mon CV. Bonne surprise, alors que je ne suis pas très à l’aise avec mon anglais et que je suis assez complexé sur mon niveau, j’obtiens une note au delà de mes espérances : 930 / 990 (Certains recruteurs m’ont posé la question sur mon niveau d’anglais. Au lieu de bullshitter (anglais « courant »), j’ai pu leur donner ma note).
C’est à la rentrée de septembre 2024 que je m’y mets sérieusement. Nous sommes à Sofia en Bulgarie, c’est également une ville que nous connaissons déjà, je peux me concentrer sur ma recherche d’emploi.
Je n’ai jamais pensé que trouver un travail en reconversion serait facile, mais qu’est-ce que c’est frustrant ! Je passe d’une industrie, le SEO, dans laquelle j’ai une expertise reconnue, une réputation, je n’ai jamais eu de difficultés à trouver des clients et je pourrai trouver un job presque en claquant des doigts…. à une nouvelle industrie, la cybersécurité, où je suis débutant, inconnu, et personne ne m’attend.
Mon objectif initial était de trouver un travail au Canada, mais je me rends compte rapidement que j’arrive un peu trop tard. Un contact sur place m’a expliqué que deux ans auparavant, un profil comme le mien aurait sans doute trouvé un travail avant même d’obtenir la certification. Entre temps, le contexte économique s’est dégradé, et c’est une toute autre histoire. Je comprends que je traîne deux boulets aux pieds. Cheville droite, je suis débutant, sans expérience. Cheville gauche, je n’ai pas de permis de travail, je dois trouver une entreprise motivée qui fera les démarches administratives. Avec un boulet, ça aurait été peut-être jouable. Avec deux, ça semble impossible.
Je n’aurais pas le moindre commencement d’opportunités au Canada. Avec un léger regret, j’oriente donc mes recherches vers la France, n’importe où, sauf en Ile-de-France, j’ai déjà donné, non merci !
Je ne sais pas si c’est un problème franco-français, mais je vais me prendre portes fermées sur portes fermées. Les portes fermées des ressources humaines. Non seulement je suis un profil de 37 ans, en reconversion. Mais en plus, mon parcours est complètement atypique (« Le gars est à son compte depuis presque 10 ans, il voyage partout dans le monde, et il veut redevenir simple salarié en France, il est fou ??? »).
Je n’ai pas fait de décompte précis, mais je pense avoir postulé à une centaine d’offres. Sur les 100 candidatures, j’ai eu 96 « non réponses » ou refus par e-mail plus ou moins automatiques. Je ne crois pas avoir de gros problèmes d’égo, mais j’ai quand même été bien vexé par une réponse « Nous ne prenons pas de Bac + 2 ». Depuis l’obtention de mon diplôme il y a 17 ans, j’ai créé deux entreprises, managé des équipes, géré des dizaines de clients, … mais comme mon diplôme n’est pas le bon, je ne peux pas prétendre à un poste de junior en cybersécurité, OK.
Sur les 100 candidatures, j’ai eu donc quatre fois l’opportunité de parler de vive voix avec un interlocuteur des ressources humaines. Les quatre entretiens se sont bien déroulées de mon point de vue, mais ont entrainé deux refus « Nous n’avons rien pour vous pour l’instant ».
Tout va s’accélérer en l’espace d’une semaine, mi-novembre, alors que je suis à Athènes. Cette semaine là, je vais enfin avoir deux entretiens avec des interlocuteurs opérationnels. C’est en quelque sorte « le boss final » d’un jeu vidéo après avoir franchi pièges et les barrières des RH.
- Pour la première entreprise, je suis passé par la fenêtre après m’être pris une porte close. J’ai dans un premier temps reçu un refus par e-mail (« pas assez d’expériences ») mais j’ai été repéché grâce à une recommandation d’un de mes anciens managers.
- Pour la seconde, c’est une agréable surprise, c’est une très grosse entreprise française, qu’on pourrait penser très rigide dans ses process de recrutement. Mais la RH a pris le temps d’étudier et de comprendre mon parcours.
Et comme par hasard, dès que je peux échanger avec des opérationnels, c’est beaucoup plus facile. Ils voient que si je suis débutant, j’ai déjà acquis un certain niveau de connaissance, les tests techniques qu’ils me proposent l’attestent. Ils sentent ma motivation et perçoivent que mes diverses expériences peuvent apporter quelquechose de différent dans leurs équipes.
Résultat, sur les deux seuls entretiens opérationnels que j’aurais l’opportunité de faire, je recevrais deux propositions d’embauche. Taux de réussite : 100%.
Après quelques hésitations, j’accepte la proposition de la première entreprise, à Lille. C’est une structure plus petite que la seconde, qui correspond parfaitement au « portrait robot de l’entreprise idéale » que j’avais dessiné. Je pense que j’y aurai des perspectives d’évolution plus rapides et il y a des possibilités de mobilité internationale qui m’intéressent (je n’ai pas dit mon dernier mot avec Montréal !).
Est-ce le bon choix ? Seul l’avenir le dira, mais je pense avoir fait le plus dur : mettre le pied à l’étrier d’un nouveau métier. Même si cette première expérience devait mal se passer, je ne serais plus tout à fait un profil débutant, en reconversion, sans expérience.
J’aurais mis environ 5 ans entre les débuts de réflexion sur mon avenir et le démarrage d’un nouveau métier. Le 14 janvier 2023, je regardais, complètement par hasard, la vidéo de mon ancien collègue parlant de cybersécurité. Le 13 janvier 2025, quasiment deux ans plus tard, jour pour jour, je débute ma nouvelle carrière !
La première semaine est assez éprouvante car cela fait énormément de changements d’un coup : le climat (-4°C les premiers jours !), les horaires de bureau, un nouveau métier, … j’ai même dû passer de Mac à Windows ! Mais dès la deuxième semaine, je passe dans la phase d’accélération de la courbe d’apprentissage et je sens que je progresse vite. Avant de commencer, j’étais confiant sur ma capacité à devenir oppérationnel rapidement. Désormais, ce n’est plus de la confiance, c’est de la certitude. Je ne suis pas encore 100% autonome sur mes tâches, mais ce n’est plus qu’une question de jours !
To be continued !