[Réflexion] #17 Old Money, Quiet Luxury & New Money

Je découvre cette tendance vestimentaire « Old Money » avec beaucoup de retard et je crois même que le « quiet luxury » n’est même plus à la mode. J’entends parler seulement depuis que je cherche à renouveler ma garde-robe d’hiver et comme je ne vais plus en magasin, je ne suis au courant que maintenant.

Une amie m’a dit que la tendance « Old Money » a démarré avec le mariage de Sofia Richie, d’autres parlent de la série « Succession » et leur esthétique « quiet luxury ». S’y ajoutent des scandales récents où les consommateurs découvrent que Dior vendrait des sacs à 2800$ alors que ça ne coûterait que 57$ à produire dans des conditions de travail horribles (Armani est aussi en cause). Plus troublant encore, le prestigieux « Made in Italy » cache une réalité moins reluisante : des artisans chinois sont recrutés pour venir travailler en Italie, les locaux délaissant le travail en usine. Pendant ce temps, des géants comme Kering (Gucci) et Burberry connaissent des difficultés, tant en bourse qu’en termes de ventes. Certains Tiktokers découvrent que le fameux « canvas » de Louis Vuitton, c’est du tissu recouvert de plastique vendu au prix d’une peau de crocodile. Etc.

Malgré certaines réserves, la tendance « old money » apporte des changements bienvenus dans notre rapport à la mode :

  1. Une prise de conscience collective : les consommateurs rejettent enfin l’idée d’être des « panneaux publicitaires ambulants », comprenant que le véritable luxe ne réside pas dans l’exhibition ostentatoire de logos.
  2. Un retour à la qualité : les gens développent un intérêt croissant pour la qualité des vêtements. Même ceux disposant d’un budget limité apprennent à repérer les pièces de qualité, que ce soit dans le vintage ou parfois même en fast fashion. J’aime beaucoup la chaîne YouTube Shift Fashion Group (lien) qui analyse des t-shirts dont la production coûte 7$ tout inclus et vendus 130$.
  3. La redécouverte de pratiques durables : le grand public découvre ou redécouvre qu’il est possible de faire réparer ses vêtements, une pratique depuis longtemps ancrée dans les habitudes « old money ». Cette approche permet non seulement de préserver des pièces de qualité mais aussi de valoriser le travail des artisans réparateurs.
  4. Une démocratisation du savoir : la communauté « Old Money » partage davantage ses connaissances, permettant au grand public de découvrir des adresses, des marques, des pratiques autrefois réservées à une élite connaisseur. J’aime beaucoup les vidéos de Kiki Astor, une « old money » devenue « nouveau poor » (compte Instagram). Ou cette ukrainienne new money qui nous explique pourquoi tout le monde devrait créer un trust fund pour ses enfants (lien YouTube).

Cependant, ce mouvement n’est pas exempt de contradictions et d’excès. À Athènes, j’ai pu observer une jeune femme dont la tenue correspondait parfaitement aux codes esthétiques « old money » popularisés sur TikTok : manteau camel, top ivoire, absence de logos, pantalon avec une longueur idéale. Pourtant, la mauvaise qualité des tissus trahissait son appartenance à une catégorie modeste. Cette situation illustre parfaitement le danger de vouloir paraître ce que l’on n’est pas.

La confusion règne également chez adeptes d’objets « faits main ». Sur Instagram, on voit des couturiers amateurs qui créent des pochettes matelassées ornées de logos démesurés. Le consommateur se trouve désorienté : faut-il éviter tous les logos ou en accepter certains puisque c’est « fait main »? Les préjugés persistent, comme l’idée qu’une couturière amateur occidentale serait nécessairement plus qualifiée qu’une professionnelle asiatique diplômée. Dans les deux cas, c’est « fait main » !! Mais on préfère les mains blanches apparemment 😀 n’étant pas capable d’évaluer la ligne de couture.

Une réflexion plus profonde sur notre société.

L’engouement pour le style ‘old money’ reflète des questionnements profonds sur notre société actuelle. D’abord, il met en lumière notre rapport troublé à la consommation. Comme le souligne Hugo Jacomet dans le podcast des Bâtisseurs, quand on réduit l’humain à son pouvoir d’achat, on le transforme en simple consommateur, un être parmi tant d’autres dans la masse.

Ce qui fascine dans la culture ‘old money’, c’est justement cette apparente libération des codes de la consommation moderne. N’ayant plus rien à prouver socialement, ces personnes ont l’air de se permettre d’être authentiques dans leurs choix vestimentaires. Elles ne suivent pas les tendances, ne cherchent pas à impressionner par des logos, et privilégient la qualité durable à l’éphémère. Cette approche semble répondre à une quête d’authenticité dans une société où l’identité est souvent définie par ce que l’on achète plutôt que par ce que l’on est.

L’art sartorial s’inscrit dans cette même recherche d’authenticité. Comme le dit Hugo Jacomet, il ‘remet un peu de verticalité dans un monde horizontal’ – il permet à l’individu de s’élever au-delà de sa simple capacité à consommer. Le tailleur Julien Scavini en observe la manifestation physique : lorsque ses clients essaient une veste sur mesure pour la première fois, leur posture se transforme immédiatement, comme si le vêtement bien fait leur rendait leur dignité.

Cette quête de sens à travers le vêtement révèle aussi une société en manque de repères. Dans un monde où les valeurs traditionnelles s’estompent, le style ‘old money’ attire peut-être parce qu’il propose un cadre, des codes et des valeurs claires : la qualité plutôt que la quantité, l’intemporel plutôt que l’éphémère, l’authenticité plutôt que l’apparence. Hugo Jacomet du ‘Parisian Gentleman’ résume parfaitement cette opposition entre l’authentique et le superficiel : ‘L’art sartorial est justement l’antithèse des grandes marques de luxe qui vous vendent du plastique au prix de l’or. […] La couleur dominante de cette saison, c’est celle que j’aime.’ La vraie élégance, n’est-ce pas la liberté d’être soi-même, plutôt que de suivre aveuglément les diktats de la société ?

Vers une approche plus authentique

Pour ceux qui souhaitent développer un style personnel authentique, plusieurs options s’offrent à vous :

  1. La seconde main et le vintage offrent une excellente opportunité d’acquérir des pièces de qualité. J’ai beaucoup aimé le livre « The Curated closet » (lien Amazon) qui aide à définir son style, ses couleurs tout en gardant son identité, et reconnaître la qualité d’un vêtement.
  2. Pour les plus fortunés, le sur-mesure auprès d’artisans permet d’obtenir des pièces uniques et durables, adaptables à l’évolution de votre silhouette car les tailleurs vont laisser plus de marges que les vêtements du commerce.
  3. Le faire soi-même représente une alternative accessible. Personnellement, je crée mes bijoux en argent, mes sacs, ma petite maroquinerie, et je me lance dans la confection de vêtements. Cette approche permet non seulement de créer des pièces uniques, m’offrir les meilleures matières possible mais aussi de mieux apprécier le travail d’autres artisans.

Si j’aborde régulièrement ce sujet sur Instagram et sur mon blog, ce n’est pas pour militer – je vis ma meilleure vie en ce moment et n’ai pas besoin de créer de débat inutile. C’est plutôt parce que ma proximité avec de nombreux artisans depuis toutes ces années me donne une perspective différente. Je connais très bien les coûts des matières premières, le coût de la main d’oeuvre, reconnaître les meilleurs artisans… et je suis certaine que tout le monde peut s’offrir du BEAU. Cette tendance « old money », malgré ses dérives, est une excellente occasion pour trouver sa propre identité et retrouver sa liberté.

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    Anh

    Anh est franco-vietnamienne et a vécu dans de nombreux pays (Russie, Australie, France, Norvège, Vietnam). Elle aime par dessus tout les chats, le DIY et la bonne cuisine. Ayant une très bonne mémoire, Anh est capable de vous donner le tarif du petit bus pris entre le Chili et la Bolivie qu'elle a pris il y a 3 ans.

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