Cela fait plusieurs articles que j’explique que je dois renouveler entièrement ma garde-robe d’hiver (en savoir plus sur mon autre blog lifestyle). Il y a au moins 5 – 6 pièces à acheter (je suis du genre à m’habiller avec une capsule de vêtements) mais comme je ne trouve rien dans le commerce, j’ai décidé de me remettre à la couture.
Il y a 15 ans, j’ai eu 3 mois de cours de couture pour professionnels au Vietnam. Le but était de passer l’équivalent du CAP MMVF français, mais je suis revenue en France entre temps donc je n’ai jamais terminé cette formation. Pour me remettre à la couture, j’ai envie de suivre des cours de vrais professionnels. Mais en ligne.
Couturier, tailleur, modéliste…
Ce qui m’a beaucoup surprise, c’est qu’en France, les couturiers ne savent pas faire de patrons. Ce sont des modélistes qui s’en occupent. Chez les maisons de haute couture, il y a même un patronnier qui intervient en plus. Donc les couturiers sont capables modifier légèrement un patron, mais pas capables de les créer de A à Z. Alors qu’au Vietnam, lors de ma formation, nous devons travailler sur des mensurations fictives, ou nos propres mensurations, ou les mensurations des proches… pour apprendre à faire du sur-mesure dès le début. Personne ne nous fournit de patrons tout faits, nous devons d’abord apprendre à le dessiner sur le papier, puis directement sur le tissu.
Ainsi, j’ai eu beaucoup de mal à trouver des cours en anglais ou en français où quelqu’un fait des patrons à partir de mensurations données comme ma prof, puis montrer l’assemblage. Je serai obligée de prendre des cours d’assemblage (couture) d’un côté, et des cours de modélisme de l’autre.
Cela explique en partie la disparition des tailleurs sur-mesure en France. Si les CAP forment désormais des ouvriers capables de suivre une gamme de montage, mais sans être capables de faire de A à Z un vêtement imaginé dans leur tête, il doit être très difficile, juste avec le programme du CAP, d’être tailleur sur-mesure comme les fameux tailleurs de Savile Row.
Cela dit, je trouve les programmes des deux CAP couture très complets pour pouvoir réaliser tous types de vêtements à partir d’un patron.
Bon, tout d’abord, je vais réviser mes connaissances en couture / assemblage car mes besoins sont assez basiques en ce moment.
Domestika
Domestika est une plateforme que j’aime beaucoup car ils invitent de vrais professionnels, contrairement à Skillshare ou YouTube où n’importe qui peut donner des cours. J’ai acheté plein de cours, même dans les arts que je ne pratique pas car j’ai juste envie de savoir comment on fait tel ou tel objet. Les cours sont tout le temps en promo. Des fois, ça coûte 9 euros, puis 4 euros… Ils sont traduits en plusieurs langues, c’est un peu le Netflix du DIY.
Pour la couture, il y a quelques influenceurs qui ont été invités par accident, donc avant de choisir un cours, regardez bien la vidéo d’introduction pour savoir si c’est un pro qui donne des cours ou pas, car la méthode de couture apprise à l’école est totalement différente de celle des amateurs.
J’ai acheté un cours de couture d’un chemisier, car j’ai besoin d’un beau chemisier blanc en coton pour ma nouvelle garde-robe. Apparemment le « Sea Island Cotton » serait le meilleur coton au monde, je me suis dit « ah pourquoi pas ». Ce cours, je le trouve assez basique, et même le prof coud de travers, certaines finitions sont bâclées. Si ma prof de couture le voyait, elle lui aurait demandé de découdre et recoudre. Cela dit, par rapport aux bêtises que je peux voir sur YouTube, Domestika est largement meilleur. Ca a au moins le mérite de me rappeller tous les étapes d’assemblage, ce qui m’est quand même utile.
Mon avis : ce n’est pas cher, c’est parfait pour une personne 100% débutante. Les vidéos sont doublées en français et sous-titrées en français. Je n’aime pas trop le fait de découper la leçon en plusieurs petites parties. Sur le site Internet, c’est difficile à suivre, je conseille plutôt l’app. Ce que j’aime beaucoup c’est la possibilité de télécharger en offline les vidéos. J’aime bien les regarder quand je suis dans l’avion.
Artesane
Je me suis rappelée de l’émission Cousu Main sur M6 et de Mr. Scavini qui était jury et qui donnait de bons conseils pendant cette émission. J’ai fait des recherches et j’ai découvert qu’il avait non seulement un blog mais aussi une chaîne YouTube, un compte Instagram et des cours payants sur Artesane.
Il est tailleur et fait de la couture tailleur. Alors, en couture on a le CAP couture vêtement flou et CAP couture tailleur. Vêtement flou englobe tous les vêtements qui ne sont pas super structurés (robe, short, blouse…) alors que le couture tailleur fait des vêtements très structurés et souvent dans des tissus lourds comme la laine (vestes, manteaux, pantalons de tailleur). La couture tailleur demande plus de couture à la main. La manière dont on renforce le tissu est différent aussi.
Mr. Scavini a parlé de demi-mesure, grande mesure, petite mesure… et je trouve la distinction très floue car au Vietnam, ce genre de choses n’existent pas. Quand on va chez le tailleur au Vietnam, c’est forcément du sur-mesure. Le tailleur prend les mesures, fait son propre patron, découpe le tissu et coud le vêtement lui-même. Mais je pense que le tailleur vietnamien fait moins de couture à la main (sauf pour des vestes matelassées réversibles comme les miennes qui doivent obligatoirement être faites à la main), donc je ne sais pas si le fait de coudre à 95% à la machine le disqualifierait et le ferait tomber en demi-mesure ???
Je vous invite à regarder la totalité de cette vidéo, j’espère que vous comprendrez mieux que moi :
Dans cette vidéo, les pros mentionnent la disparition du beau. Mr. Scavini dit qu’on a perdu, en France, le sens du beau, de l’esthétique et de l’élégance. Pas seulement en couture mais aussi dans les menus de restaurant. Le beau disparaît au profit de l’utilitaire. C’est un constat juste et très triste.
Je vous ai déjà raconté comment mon grand-père, au temps où une montre de luxe pouvait acheter une maison, et que la toute famille avait tout juste de quoi se nourrir, a décidé que le beau était plus important et s’est offert une Omega d’occasion car la différence entre une montre automatique normale et un garde-temps est un fossé énorme. Il avait une petite collection de théières rares faites main, qu’il a offertes aux connaisseurs car il considérait que dans la famille, personne ne les méritait ahahah. Même pour me découper une étoile, il a sorti son compas et sa règle et a dessiné mathématiquement une étoile parfaite. Ma grand-mère, elle, quand je la visitais, analysait chacun de mes vêtements et me disait « ça c’est du nylon » ! Pendant des années, à chaque fois qu’elle rangeait ses vêtements d’hiver/d’été, elle me montrait une parure de linge de lit en satin de soie, brodée à la main, doublée en coton, qu’elle gardait pour mon mariage.
On me dit souvent que je suis irréaliste car j’aime les belles choses. Mais je pense que tous ceux qui sont un peu artistes, un peu doués de leurs mains, qui ont une passion manuelle me comprennent car le beau est non seulement agréable à l’oeil, il est témoin d’un savoir-faire et de l’âme de celui ou celle qui l’a fait. Plus vous vous habituez au beau, en touchant les belles matières, en regardant les vitrines des artisans par ex, plus vous voudrez vous aussi de la qualité et des objets durables. J’ai une copine qui gagne le SMIC mais qui aime aussi les belles matières. Elle trouve de très belles choses sur Vinted et en prend bien soin. Perso, je ne peux pas m’offrir de vestes à 4000 euros, mais je les ferai moi-même. Il y a plein de manières de s’offrir du beau.
Je retrouve le même constat chez une ancienne couturière haute-couture, Alison du Boudoir Français, en analysant le film « Haute Couture » a écrit ces lignes :
Le film Haute Couture ne se contente pas de raconter une simple histoire, il ouvre également une fenêtre sur deux mondes et deux générations différentes. La 1ère génération qui était vouée et passionnée à son travail, qui trouve de l’accomplissement dans l’apprentissage et la transmission d’un savoir-faire.
Et la génération des jeunes d’aujourd’hui, hyper connecté et désabusé, qui semble vouloir la richesse sans se donner la peine de travailler dure ou de gagner sa vie honnêtement. Une génération qui n’a plus de dévotion dans des métiers manuels pourtant souvent plus épanouissants que les bullshit jobs du terrier. Une génération qui ne veut plus prendre le temps d’apprendre un vrai métier !
Heureusement qu’il y a encore des gens comme les tailleurs de Savile Row, les designers comme Geoffrey B. Small dont j’ai parlé longuement ici, ou si on remonte encore le temps, William Morris… qui luttent contre la perte du savoir-faire traditionnel, et qui proposent le meilleur au monde pour ceux qui savent encore apprécier.
Dans la même vidéo, ils ont mentionné le thermocollant, qui est utilisé pour renforcer certaines parties du vêtement. Je cite ici mon livre « Tailoring » qui donne plus de précisions sur les méthodes du tailleur :
Méthode de Tailleur sur Mesure
Un vêtement sur mesure est confectionné en utilisant la méthode traditionnelle de couture. Cette méthode est la plus chronophage car elle nécessite beaucoup de travail manuel.
- Couture à la main : utilisée pour fixer l’entoilage et façonner le vêtement.
- Toile crin : entoilage cousu à la main pour façonner le devant du vêtement, le dessous de col et les ourlets.
- Pose de bande : le roulé du revers et les bords avant sont renforcés avec une bande de maintien cousue à la main.
- Doublure : insérée à la main.
Méthode de Tailleur Thermocollant
Un vêtement réalisé avec un entoilage thermocollant ne nécessite pas de couture à la main et est entièrement confectionné à la machine, sauf pour la pose de la doublure des manches et la couture des ourlets.
- Entoilage thermocollant : utilisé pour façonner le devant du vêtement, le parement, le col supérieur, le dessous de col et les ourlets.
- Pose de bande : le roulé du revers peut être réalisé à la machine, mais le renforcement des bords avant n’est pas nécessaire.
- Doublure : insérée à la machine, sauf pour la doublure des manches, qui est fixée à la main.
Bon, revenons à Artesane. J’ai acheté un cours sur Artesane et le niveau est nettement plus élevé que Domestika. Pour commencer, j’ai acheté le cours « CAP Tailleur : le pantalon » de Sandra Maciak car j’ai aussi besoin d’un pantalon bien joli en laine pour ma garde-robe. Les techniques « tailleur » me sont complètement inconnues, je savais qu’il fallait bâtir à certains endroits mais je ne le faisais pas autant qu’elle et je ne savais pas qu’il y avait un fil dédié au bâti. Et il y a tellement de choses à coudre à la main. Les finitions sont nettement supérieures à ce que j’ai apprises. Les marges de couture sont supérieures à ce que j’ai l’habitude de voir, et je crois que le tailleur fait exprès de laisser beaucoup de marge pour pouvoir retoucher le vêtement des années plus tard. Un vêtement tailleur est fait pour durer 15-20 ans donc on a le droit de grossir/maigrir et le vêtement peut suivre ces modifications. Je déteste les finitions de surjeteuse, donc je suis contente que les coutures soient gansées.
Cependant, je ne sais pas si c’est le stress ou le temps limité, mais certaines coutures de Mme Maciak sont un peu bâclées, elle se trompe et coud par exemple au-delà de ce qu’elle devait faire. C’est embêtant de devoir se tromper avec elle pour corriger la faute 5 minutes plus tard. Il est important de suivre la gamme de montage en priorité, ce sera plus fiable. Un petit détail : elle utilise un fil en polyester pour bâtir alors qu’elle devait en utiliser un autre. Et elle doit constamment nous le rappeler « j’utilise tel fil mais vous, vous devez utiliser tel fil ! ». En quoi c’est si difficile d’utiliser le bon fil pour filmer un tuto ? Les fils de bâti en couleur sont-ils si difficiles à acheter ? Ce n’est pas très sérieux je trouve. Un peu brouillon. Et qu’un tailleur n’ait même pas de coussin tailleur pour le repassage, je trouve ça moyen aussi.
Je n’ai pas encore les sous pour acheter tout le pack Tailleur pour homme de Julien Scavini mais j’espère qu’il sera plus rigoureux. En plus, Julien Scavini a l’habitude de faire des podcasts et participer aux émissions de TV donc il arrive à bien s’exprimer, avec précision. Artesane propose aussi des cours de modélisme (enfin !) je vais les prendre aussi.
Ensuite, j’ai acheté le cours sur la chemise de Tanya Sayer, qui a travaillé en haute couture. Par rapport au cours chez Domestika, ici on a des finitions beaucoup plus soignées (pas besoin de surfiler). Cependant, on lui a filé une machine à coudre qu’elle ne maîtrise visiblement pas et se sent très mal à l’aise. Devoir tirer sur le tissu constamment pendant la couture, perso je ne me demande pourquoi l’équipe Artesane qui a une multitude de machines, dont une piqueuse plate qu’on a vue dans plusieurs vidéos, ne peut pas filer une machine plus performante à Mme Sayer. J’aime beaucoup l’ajout des finitions qu’elle « tente » de faire. C’est son premier cours sur cette plateforme donc je pense qu’elle est un peu stressée, mais j’espère qu’on lui filera une meilleure machine dans le futur. En même temps, je me dis que je ne suis peut-être pas si mauvaise en couture, c’est juste que je n’ai pas la bonne machine à coudre ahahah Le patron est bizarrement donné seulement en format A4 (alors que pour toutes les autres formations que j’ai achetées chez eux, j’ai toujours eu les version A4 et A0). Et je déteste devoir les coller un à un.
Finalement, j’ai visualisé un cours de couture d’un pantalon de Christine Charles, obtenu avec l’achat du livre Le cahier d’exercices CAP couture avec Artesane. Et là, j’ai poussé un soupir de soulagement. Enfin quelqu’un de précis, et qui nous demande d’être précis. Mon côté perfectionniste ne souffre pas en regardant sa vidéo car elle va toujours sortir les règles, les craies, nous rappeler à chaque fois l’importance d’être à 1mm ou 0mm près. Elle anticipe les erreurs qu’on peut faire et propose une solution. Elle vise une précision chirurgicale. C’est ce genre de précisions que je veux. Il est possible que ce soit lié à son background d’ingénieure et cheffe de projet (elle gérait des projets de 10 millions d’euros chez un grand groupe avant sa reconversion), contrairement à d’autres professeurs qui sont plus dans le « flou artistique » (à cause du stress et manque d’outils). Je pense qu’il est très important que les profs montrent l’exemple quitte à ce que le tournage prenne plus de temps; car nous sommes habitués à voir des gens coudre de travers sur YouTube. Au contraire, en voyant des cours où les profs sont un degré d’exigence supérieure nous permettra de voir qu’il y a encore du progrès à faire, des finitions haut de gamme et ne pas se contenter de son petit niveau de couturier du dimanche.
Mon avis : C’est une plateforme de qualité avec des professeurs expérimentés et reconnus. Les cours sont un peu chers, mais la qualité est nettement supérieure à Domestika. Contrairement à Domestika où l’on doit jongler entre différentes vidéos, ici on n’a qu’une seule vidéo mais avec des liens pour passer rapidement à tel ou tel chapitre. La navigation est plus facile ainsi. Il y a aussi des sous-titres (automatiques) en français si besoin, on peut aussi accélérer la vidéo. La production manque de moyens par rapport à Domestika car des fois, il faut zoomer sur la main du prof et la caméra n’y arrive pas; mais il y a au moins 4 caméras pour montrer un maximum de détails. Pour les cours du parcours CAP Tailleur, il y a énormément de documents PDF complémentaires pour chaque module. Pour le cours hors CAP que j’ai acheté, il n’y a que le patron en A4.
Le + d’Artesane c’est que si vous optez pour des programmes CAP Couture Vêtement Flou ou Vêtement Tailleur, vous pouvez payer votre formation CAP avec vos CPF, Pôle Emploi etc.
Boudoir français
Boudoir français est créé par une ancienne couturière de Chanel: Alison. Elle travaillait en haute couture. Elle proposait pas mal de tutos et patrons pour de la lingerie et lounge wear mais elle commence à faire des tutos et patrons de vêtements aussi. Ses deux robes sont actuellement en promo en plus, profitez-en ! Ce que j’aime chez elle, ce sont des tutos imposant des finitions plutôt soignées (même si l’on voit dans les vidéos certaines de ses coutures sont de travers, certains détails peuvent être conçus autrement, et certaines finitions sont simplifiées pour s’adresser à un niveau moyen faible) et l’utilisation des tissus difficiles à maîtriser comme la dentelle, la soie et la maille, des matières que je n’ai encore jamais utilisées.
Elle ne suit pas le style de gamme de montage industrielle, on est plus dans l’efficacité, par exemple on épingle toutes les pièces ensemble ensuite on passe à la machine pour coudre tout d’un coup. Cela permet de ne pas aller de la table de préparation à la machine à coudre et permet de gagner beaucoup de temps. Cependant, celles/ceux qui ne sont pas bien organisés risquent de ne plus pouvoir reproduire cette méthode de travail chez elles/eux. Mais en suivant le tutoriel, il n’y a pas de problème. Il n’y a pas de livret avec explications, juste le tuto en vidéo et les patrons. Je trouve que pour quelqu’un qui filme et fait le montage seul, c’est extrêmement réussi. On voit bien les détails, les explications sont claires, il y a plein d’astuces.
Cependant, je trouve qu’elle ne repasse pas assez souvent. Ou c’est moi, je repasse peut-être too much? A part son cours sur le mannequin sur mesure, le reste ne me semble pas assez « haute couture ». Dommage, c’est sûrement pour s’adresser à un public plus large.
Bref, il y a des points + et points – pour toutes les plateformes, mais le plus important c’est de se former auprès de véritables professionnels, et pas des youtubeurs qui se sont formés auprès d’autres YouTubeurs. Ils s’auto-copient les mauvaises habitudes en plus et régressent sans savoir pourquoi. Et quand les professionnels leur disent que c’est mal fait et mal cousu, ça boude. C’est comme faire sa thèse en se basant uniquement sur ChatGPT. C’est dangereux. N’apprenez SVP qu’auprès de véritables professionnels !