Comme vous le savez, je suis en train de renouveler ma garde-robe d’hiver. Je n’ai pas mis les pieds dans les magasins depuis des années. Quand je refais enfin du shopping cette année, je me rends compte que tout est en plastique (polyester, acrylique, viscose…) et qu’il m’est impossible de trouver un vêtement décent même en mettant le prix. Pourquoi l’industrie de la mode est tombée si bas ? J’ai fait mes recherches, j’ai lu des livres… jusqu’à tomber sur Geoffrey B. Small, un designer américain s’installant en Italie, à Veneto, le Hollywood des marques de luxe. C’est le seul qui puisse vraiment prétendre faire les meilleurs vêtements au monde. En écoutant ses interviews, j’ai appris une tonne de choses et je m’empresse de les partager avec vous, surtout si vous n’êtes pas anglophones.
Pour infos, mes sources viennent de :
- ce podcast fait avec Style Zeitgeist (que vous trouverez sur Apple Podcast avec transcription automatique) et un article écrit par Style Zeitgeist
- cet article écrit par GQ
- les deux interviews de Geoffrey B. Small réalisées par Bliss Foster sur son Patreon (l’accès vous coûtera 9 euros environ)
- vous pouvez lire les descriptions de chaque vêtement sur le site de Mr. Small, vous saurez tout sur ses fournisseurs, le choix de tissu, bouton, les fibres, c’est fascinant ! Ses vêtements coûtent cher (à partir de 3000 euros) mais comparé à d’autres marques de luxe, c’est le même prix mais avec une qualité supérieure.
Mr. Small a plus de 40 ans d’expériences dans le fashion. Contrairement à d’autres designers, il sait bien coudre et est un tailleur hors-pair. Il s’y connaît aussi en tissus et traitement de tissus. Il a cependant des compétences de dirigeant, ayant fait un MBA. Son but est de faire les meilleurs vêtements au monde par des humains, pour des humains. Il va toujours choisir la meilleure matière, les meilleurs accessoires (de la fermeture zippée jusqu’aux boutons en passant par des étiquettes de composition en soie). Je vais citer Mr. Small en italique, puis je vais ajouter mes commentaires.
Je suis au milieu du Veneto. Le Veneto est le centre de la mode du marché mondial du luxe. Tout se fait ici. Tout.
Toutes les maisons de luxe françaises, tout ce qui concerne LVMH, tout est maintenant géré ici. (…)
(…) J’ai décidé qu’il y avait une place pour une entreprise très ciblée, qui allait se concentrer sur le haut de gamme absolu, tant dans le domaine du design que dans le secteur de la fabrication ici. Nous allons diriger le marché grâce à la recherche. Nous allons être la Ferrari de l’industrie. Et j’avais le sentiment que je pouvais le faire. J’avais les compétences, j’avais la formation. Personne d’autre ne l’a. Il y a très, très peu de PDG ou de designers en chef qui peuvent réellement fabriquer un costume sur mesure. Et c’est essentiel si vous voulez créer une grande entreprise de recherche. Vous devez avoir un ingénieur, si on peut dire, qui soit à la fois PDG ou designer en chef. (…)
Je regarde toutes ces opérations de haute couture se plaindre de leurs pertes financières. Ils doivent vendre 15, 20 millions d’euros de parfum par mois pour soutenir leur opération de haute couture. Je vois les tailleurs de Savile Row se plaindre qu’ils ne peuvent plus gagner d’argent. Et vous savez quoi ? Je les regarde et je ne comprends pas. Pourquoi ? Si vous fabriquez des vêtements faits main de grande qualité et que vous vous concentrez sur cela, que vous savez ce que vous faites, c’est comme de grands chefs. Vous pouvez être rentables. Vous pouvez opérer. Alors quel est le problème ? Le problème, c’est que plus personne ne sait comment le faire.
Et c’est ça, notre histoire. C’est une sorte de réflexion : qu’est-ce que la mode ? Mon point de vue, c’est que pas assez de gens se concentrent sur l’expérience pratique et réelle des vêtements. C’est pourquoi beaucoup de gens ne comprennent pas ce que nous faisons. « Oh, il fait des choses conservatrices. C’est fait à la main, de haute qualité. » Ils ne le considèrent pas comme une forme d’art, alors que moi si. Excusez-moi.
Regardez Léonard de Vinci. De Vinci était 99 % technique. Il a été le premier à utiliser l’huile qui venait du Nord.
Il a utilisé l’huile au lieu de l’eau. Cela lui a permis de créer un niveau de peinture complètement différent dans l’Italie de la Renaissance. Il était techniquement motivé.
Dans l’article The Murky Business of Fashion’s Cash Cow: The Logoed T-Shirt de High Snobiety, il est écrit : « Selon Lorio (auteur de Made in Italy?), la fabrication est sous-traitée par les grandes marques à des prestataires qui soumissionnent pour le travail et prennent en charge tout le processus, du prototypage à la livraison des produits finis. Ces entreprises ont des bureaux en Italie, mais elles externalisent souvent la production vers des usines situées dans des pays en développement, allant de la Moldavie au Bangladesh, dont certaines produisent également des articles pour les géants de la mode rapide comme H&M et Zara. » Dans le même article, un t-shirt avec le logo d’une marque de luxe coûterait 3,5$ à produire et mis en vente pour 390$. Le prototypage est une étape très importante car on y voit les défauts du design. Mais quand c’est sous-traité ou fait dans des usines à l’autre bout du monde, ce sera difficile de corriger les défauts.
Le vêtement est le résultat de beaucoup de métiers différents : designer, modéliste, couturier, fabricants de tissus… et quand une marque comme GBS réussit à maîtriser quasiment tous les métiers en même temps, ça donne des vêtements incroyables. GBS était tailleur bespoke (sur mesure), il habillait de vrais gens. Comme la plupart des gens ne sont pas mannequins, faire des vêtements pour eux est très différent de faire des tailles standard 36-38-40 etc. Apparemment, toute personne ayant touché ou porté des vêtements GBS comprennent tout de suite pourquoi ça coûte cher.
Si vous avez le choix, en tant que gestionnaire d’entreprise ou actionnaire, entre fabriquer un T-shirt ou fabriquer l’une de nos vestes faites à la main, il n’y a aucun doute sur ce que vous préférez essayer de faire entre les deux. Si vous pouvez vous contenter d’un T-shirt, vous trouverez n’importe quel moyen possible de le vendre avec une certaine marge, c’est la solution, l’autre option est un cauchemar. (…)
Je sortais de l’École des Disciples de Milton Friedman. De 1981 à 84, c’était l’époque où le concept de marché libre émergeait de l’Université de Chicago, et tous les top business schools formaient dans ce sens. Je veux dire, on nous endoctrinait littéralement cette façon de penser. Et je ne peux pas vous dire combien de fois, en classe, on nous a répété qu’il fallait éliminer l’être humain autant que possible. La pire chose qu’un manager puisse faire, c’est d’embaucher plus de personnes. Il faut s’en débarrasser.
Si vous avez une machine que vous pouvez acheter pour vous débarrasser d’un employé, vous l’achetez. Si vous avez un pays pauvre où vous pouvez délocaliser le travail au lieu d’employer un Américain dans ce cas, ou un Italien, et que vous pouvez faire travailler cette personne pour un dollar de l’heure au lieu de 15, vous le faites. Et vous le faites systématiquement dans tous les recoins de l’entreprise pour réduire toute compétence humaine, car cela vous expose à plus de risques.
C’est ainsi que nous gérons les entreprises. Et ces gars avec qui j’ai étudié, il est important de noter que beaucoup d’entre eux dirigent aujourd’hui de grandes entreprises de luxe italiennes. Je ne vais pas citer de noms, mais certains des grands noms que vous lisez actuellement dans les gros titres, ces derniers jours, ont étudié avec moi à Boston, d’accord ? Et ils ont le même discours de disciples.
Donc ce qu’on a, ce n’est pas quelque chose de soudain. J’ai étudié dans les années 80, c’était il y a trois, quatre décennies. C’est quelque chose qui a continué et continué, et qui s’est infiltré dans tout le monde des entreprises. Et maintenant, on est arrivé à un point où ça a fonctionné. Tout le monde a été dé-qualifié. Il n’y a plus d’emplois.
Mon commentaire : Avant, les vêtements étaient faits par des tailleurs, sur mesure. Ce sont de petites structures familiales et chaque tailleur avait son propre style. Maintenant avec le prêt à porter, c’est devenu un objet de consommation, les marques sont devenues cotées en bourse et le côté artistique est mis à côté pour générer plus de $$$$$. On l’oublie souvent mais avant, les gens pouvaient dépenser un mois de salaire pour un vêtement qui va durer une vie. Maintenant, même en mettant le prix, ce n’est pas certain que les vêtements durent autant. Cela crée un cercle vicieux où les gens dépensent moins, la qualité diminue, et les artisans aussi disparaissent peu à peu.
Et cela signifie que si vous voulez vivre de votre travail en tant qu’indépendant, vous devez être cher par rapport à ce qui existe. Cela veut dire qu’au moment où vous acceptez cette réalité, vous devez vendre aux riches. C’est un fait. C’est un fait brutal, et je vais le dire. Je sais que je risque de me faire beaucoup critiquer, mais pour pouvoir faire ce que nous faisons, nous devons concevoir des produits que les riches vont acheter, et ils doivent en acheter suffisamment pour nous faire survivre. Nous avons de la concurrence, car c’est aussi ce que vise LVMH et Kering. Ils essaient de vendre aux riches. Mais il y a des choses qui se passent dans le monde, y compris parmi les riches, même s’ils sont minoritaires, même s’ils représentent 1 %, 2 % ou 3 %, vous devez comprendre qu’1 % de la population mondiale, ce n’est pas un petit nombre de personnes. Il y en a pas mal. Et ce que nous avons découvert au fil des années, c’est qu’ils ne sont pas tous pareils, pas du tout. Ils ne sont pas tous identiques en termes de richesse. Certains sont plus riches que d’autres par des facteurs de 150 pour 1. Certains sont plus intelligents, si je puis dire. Ils sont plus en phase. Ils sont plus cultivés. Ils sont plus culturels que d’autres. Certains ont eu leur richesse pendant plus longtemps, peut-être au sein de leur famille, ce qu’on appelle old money. D’autres sont nouveaux, des nouveaux riches. Ils ont l’argent, mais ils n’ont pas grand-chose d’autre. Ils doivent apprendre. Certains essaient d’être riches ou de paraître riches. Et donc, au fur et à mesure que vous commencez à comprendre que vous allez devoir être un luxe, entre guillemets, et je déteste ce mot, je le déteste, mais c’est ce que nous sommes. Je suis un designer du marché du luxe.
Très bien, donc en tant que designer, je dois faire mon travail.
Que faisons-nous ? Et où nous situons-nous ?
Maintenant, nous n’avons pas besoin de vendre à tous les riches du monde. Nous n’avons pas besoin de vendre à 50 % ou 60 % d’entre eux. LVMH le fait.
Et c’est leur problème, car c’est un grand nombre de personnes. Donc, ce que nous avons pensé, c’est que nous pouvons viser une minorité de ces riches. Allons vers les intelligents. Allons vers ceux qui sont sérieux à propos des véritables enjeux de la planète. Et allons vers ceux qui ne sont pas aspirationnels. Ils ont compris. Et s’ils ont compris et qu’ils aiment ce que nous faisons, ils achètent beaucoup et ils nous restent fidèles. Ce sont des gens sur lesquels je peux compter.
Je peux fournir de l’emploi à toute une ville si je fais mon travail. Alors que dois-je faire ? Je dois faire tout ce qu’une personne très riche exigerait. Et c’est complexe. Ces gens ne sont pas faciles à satisfaire. Ils ne le sont pas. N’importe qui dit, oh, j’ai le luxe de vendre aux riches. Écoutez-moi. Essayez de vendre aux riches. Ce n’est pas facile. Pourquoi ? Avant tout, ils peuvent acheter n’importe quoi.
Donc la première question est : « Que faites-vous pour moi pour que je mette cinq mille euros dans l’un de vos blazers ? » Alors nous devons leur donner certaines choses pour mériter cet achat.
Premièrement, comme tout le reste, ils ne doivent pas avoir l’air d’un idiot en portant ce que nous faisons. Nous devons les faire paraître élégants. Et nous devons aussi les faire paraître justes d’une certaine manière, qui corresponde à ce qu’ils font dans leur vie, que ce soit socialement ou professionnellement. Donc nos codes esthétiques doivent suivre ce genre de directives. Je ne parle pas des pièces que nous pourrions présenter lors d’un défilé à Paris ou de projets spéciaux. Je parle du travail de base que nous faisons pour répondre à votre question. Et donc, vous savez, nous devons faire un bon costume.
Nous devons faire une bonne veste. Et il faut que ce soit quelque chose qu’un homme peut porter à la banque. Il peut même posséder la banque, et beaucoup de nos clients possèdent des banques. Donc nous devons faire une veste qui convienne à un homme qui possède une banque. Alors que certaines choses que font mes honorables collègues, non. Ce n’est pas une chose facile à réaliser. Donc l’esthétique doit être juste, et elle doit suivre certains codes. Et elle doit être différente de ce que tout le monde fait. Nous ne pouvons pas faire ce que fait Zenya. Nous ne pouvons pas faire ce que fait Brioni. Nous ne pouvons pas faire ce que fait Loro Piana, parce que ces riches sont très puissants et très performants. Et l’autre difficulté qu’ils présentent pour un designer dans notre domaine, c’est qu’ils ne veulent pas ressembler à tout le monde. Ils sont tous spéciaux. Ils sont tous différents. Donc nous devons intégrer une énorme quantité d’exclusivité et de différenciation dans chaque pièce que nous faisons. Maintenant, personne ne le voit vraiment, sauf les personnes qui portent et possèdent ces pièces. Ça vaut l’argent qu’ils demandent, parce que ça, on ne le trouve nulle part, et c’est quelque chose qui me fait vraiment me sentir bien. Et c’est la grande partie du design de GBS. Ça va jusqu’au moindre détail. Donc oui, les doublures en soie de Côme. Nos doublures en soie de Côme, on les paie 30, 40, 50 euros le mètre. La plupart des entreprises utilisent des doublures où elles paient deux à trois euros. Nous utilisons de la soie. Quand nous avons commencé, nous sommes allés les voir, et ils ont dit : « Que voulez-vous faire ? De belles robes, de la haute couture ? Que voulez-vous faire de notre tissu ? » Et j’ai dit : « En fait, j’essaie de trouver quelque chose pour doubler certaines de mes vestes. »
Mon commentaire : ceci est un passage remarquable que tout le monde devrait noter. Il y a beaucoup d’artisans qui font des produits d’exception mais n’arrivent pas à atteindre les ultra riches. Je connais un artisan qui arrive à accéder à cette clientèle mais effectivement les ultra riches sont difficiles à plaire.
La base du marketing, c’est de connaître ses cibles. Il faut connaître par coeur la journée type de sa cible idéale. Où elle va, à quelle heure, qui elle voit… ainsi on saura comment la cibler, où la cibler. Si les montres Omega ont plusieurs pages sur « pourquoi les swings du golf n’affectent pas notre mécanisme », c’est parce que leurs cibles principales jouent au golf. Ils vont payer des golfeurs célèbres pour devenir leur égérie. Ils vont sponsoriser les compétitions de golf, c’est simple. Si leurs cibles font plutôt du ping pong, t’inquiète qu’ils vont parler du ping pong aussi. Dès qu’un entrepreneur a du mal à répondre à ma question simple « quelle est votre cible principale ? », je sais que c’est mal parti. Quand l’entrepreneur, en plus, n’arrive pas à me donner ses avantages compétitifs, c’est foutu. Il est en train de cibler la planète entière, et ce sera très difficile de s’en sortir.
Si vous êtes salarié, ce commentaire s’applique à vous aussi. Quel est votre avantage compétitif ? Sur le marché du travail, il y aura 10 000 gens comme vous. Pourquoi on doit vous garder en entreprise ou vous offrir une promotion ? Cultivez votre différentiation, trouvez-vous une niche. Ca peut être une double compétence, ou un outil que personne ne maîtrise en entreprise mais qui est très utile…
Le problème est que si vous êtes LV à 40 milliards de dollars, vous devez atteindre 50 milliards dans 10 ans. Comment allez-vous faire ça ? Donc ils doivent continuellement élargir le marché du luxe. Une base de plus en plus large. Cela les empêche de faire ce que nous faisons de manière significative. (…) J’ai un ou deux gars qui peuvent faire le meilleur tissu au monde, et les entreprises qui leur achetaient avant ont maintenant changé pour faire des choses moins chères pour atteindre un marché du luxe plus large.
Le commerce de luxe (…) est basé sur la capacité technique humaine. (…) J’ai beaucoup de gens qui me demandent pourquoi c’est si cher ? C’est si cher parce qu’il n’y a que quelques personnes qui savent le faire. Et jusqu’à ce que nous développions à nouveau la base de connaissances des êtres humains ayant ces compétences, ça restera comme ça. Donc une des autres choses que j’essaie de faire, et que je continuerai à faire jusqu’à ma mort, c’est former et développer de nouvelles générations de designers, mais des designers qui sont aussi des tailleurs. Des designers capables de fabriquer, qui ont une connaissance viscérale de la création de vêtements exceptionnels. Je pense qu’avec le temps, nous atteindrons une masse critique où ce niveau de compétence sera plus répandu. Nous avons l’opération de traitement manuel et de traitement des tissus la plus avancée au monde. Et nous faisons cela pour offrir à nos clients une exclusivité totale. Ils ne peuvent pas avoir les mêmes tissus que Brioni ou d’autres grandes marques de luxe qui achètent aussi chez Piacenza. S’ils achètent chez nous, ce doit être complètement différent. Nous utilisons des tissus comme la vigogne, et depuis un an et demi, nous achetons de la vigogne chez Piacenza. Ce tissu coûte 2 000 euros le mètre. Et ce sont des manteaux vendus entre 60 000 et 70 000 euros. C’est incroyable. Chaque manteau que nous avons fabriqué a été vendu (…) Rien que la découpe et la couture du tissu, c’est incroyable. Vraiment incroyable.
Mon commentaire : La vigogne est la fibre la plus chère au monde. J’ai tenté de mettre la main sur ce matériel mais les prix sont contrôlés internationalement. Même au pays de la vigogne au Pérou, je n’ai pas pu trouver un prix acceptable.
Ce que Geoffrey B. Small propose à ses clients, ce sont les « meilleurs vêtements au monde ». Mais non seulement il ne se contente pas d’acheter le meilleur tissu du monde, une fois acheté, il fait subir un traitement supplémentaire au tissu, pour atteindre le toucher ou la texture qu’il désire. Il a une vraie équipe R&D qui transforme les tissus, les plongent dans des bains à température variable, les teignent, les brossent d’une certaine manière… et ça donne des cachemires aux textures jamais vues ailleurs, ou des impressions sur soie jamais observées ailleurs. Il y a une véritable innovation, et pour des questions de coût, vous avez vu que les grandes marques ne le faisaient plus. Quand vous achetez un vêtement standard chez lui, toutes les boutonnières sont cousues à la main, il y a une étiquette écrite à la main pour numéroter le vêtement. Et un long texte qui explique d’où vient la fibre, où elle a été tissée, d’où viennent les boutons, ils sont faits dans quelle matière.. vous avez une liste précise qui vous indique pourquoi il a été conçu et fait par amour par des humains. GBS crée des vêtements pour des humains, c’est pourquoi il ajoute du tissu supplémentaire à la taille de ses pantalons, afin qu’ils puissent être élargis. Il utilise les meilleurs matériaux naturels qu’il peut trouver, non seulement parce qu’ils sont luxueux, mais aussi parce qu’ils sont bons pour votre corps. « Quand vous avez du plastique dans les vêtements, » dit-il, « votre corps le ressent. » J’ai vu une vidéo sur Instagram qui expliquait pourquoi on devait absolument utiliser un mélange coton/polyester pour tel ou tel design. C’est faux ! Car avec la méthode innovante chez GBS, on pourra faire tout design avec des tissus naturels. Utiliser du polyester, c’est de la paresse, c’est tout !
Quand j’ai commencé, d’abord on étudie le design. Puis on réalise vite que pour vraiment contrôler son design et faire quelque chose de différent, il faut connaître la production. Parce qu’on ne peut pas concevoir ce qu’on ne sait pas fabriquer. Il faut aussi le respect des usines et la capacité de les convaincre qu’on sait de quoi on parle. J’ai donc étudié la production. Puis j’ai réalisé qu‘il fallait aussi étudier les affaires, car on ne peut pas produire si on ne peut pas payer. Et ensuite, j’ai compris qu’il fallait aussi connaître le droit, car on ne peut pas jouer le jeu sans connaître les règles.
Mon commentaire : Beaucoup de marques tombent dans la main des géants à un moment ou un autre car ils manquent de trésorerie malgré une rupture de stock à chaque sortie de collection. Le prix de vente est un calcul de base mais que beaucoup d’entrepreneurs calculent très mal.
Dans une société où tout le monde est spécialiste, celui qui touche à tout va s’en sortir gagnant. Un entrepreneur qui s’intéresse nullement au marketing va passer son temps à créer un beau produit mais personne ne sera au courant. N’oublions pas que GBS maîtrise son métier mais il a également fait un MBA !
Le gros + de JB et moi c’est que non seulement nous avons notre niche (nous sommes spécialisés dans les sites à grosse volumétrie) mais en plus nous connaissons bien tous les métiers en relation avec le nôtre, nous avons une vision globale. Nous ne créons pas nous-mêmes les sites web, mais nous savons exactement comment faire et quels outils utiliser. Quand il y a une baisse de CA en e-commerce, même si ce n’est pas mon métier, je suis aussi certifiée Analytics et je pourrai pointer mon client vers la cause exacte de sa baisse (la plupart du temps, ça vient du tracking ou du module de paiement). G. B. Small, il n’a pas d’usine pour fabriquer les tissus, mais il sait exactement les limites de ses fournisseurs de tissus et de quoi ils sont capables.
Personne, absolument PERSONNE, ne vous demandera de vous intéresser au-delà de votre scope, mais si vous le faites, vous serez plus compétent, et c’est le secret des gens qui réussissent.
J’explique souvent aux entrepreneurs un peu naifs et perdus que l’entrepreneur est la personne la plus compétente de toute l’entreprise, elle a la vision globale, et doit connaître de loin tous les métiers, même s’il n’est pas spécialiste. Elle doit être visionnaire. Quand nous avons créé notre petite société, JB a dû monter en compétences et a dû lire les textes de loi, se remettre en comptabilité, il doit acquérir le vocabulaire et connaître les limites de tous ceux qui travaillent avec nous. Au fil des années, il est même arrivé que son comptable lui pose des questions pour conseiller les clients de celui-ci LOL.
J’espère que vous avez appris quelque chose. Quant à moi, après avoir cherché partout sans trouver ce que je veux, je vais me remettre à la couture. J’ai été bien formée (je vous ai raconté ici), comme je sais faire des patrons moi-même, je saurai tout faire.