Je suis fière de vous présenter mon dernier projet en cuir, celui dont je suis le plus fière. Tout commence avec un modèle acheté chez un marchand vietnamien. Ce sac m’a pris des mois de réflexion et de renseignements. Il y a 22 cartons correspondant à 22 morceaux à couper, pour le cuir extérieur, la doublure en cuir ainsi que les renforcements. S’y ajoutent les parages à effectuer. Il n’y a pas beaucoup d’explication, donc j’ai mis beaucoup de temps à comprendre et mon prof de maroquinerie a dû m’aider à déchiffrer les schémas. Rien que la préparation prend une journée entière et j’ai heureusement eu de l’aide de la part de deux copains. Mon cuir est plein de défauts (vergetures, piqures), donc il a fallu se creuser la tête pour couper là où il n’y a aucun défaut et faire des sacrifices dans des endroits peu visibles.
Je voulais modifier légèrement le design par rapport au modèle original donc je pioche dans mon stock d’accessoires métalliques pour voir ce qui peut m’intéresser. Je choisis des accessoires argentés parce que ça va mieux avec le cuir et le fil que j’ai choisi.
J’ai opté pour un cuir negonda rose foncé des Tanneries Dupuy et du swift gris de Pomari. Ce sont des couleurs que je n’aurais pas choisies pour moi-même mais j’ai ces cuirs en abondance (suite à un gros achat des chutes de cuir) et c’est un cadeau pour un enfant donc j’ai pensé que c’était parfait. D’habitude, j’utilise toujours un cuir de doublure de couleur claire (pour pouvoir trouver facilement des objets) mais là encore, c’est pour un enfant donc il peut le salir autant qu’il veut, c’est même très bien. Pour le fil, j’opte pour la couleur crème. J’ai du fil rose aussi mais j’ai pensé que quitte à coudre à la main, autant faire sortir le joli travail de la couture en point sellier.
Je commence par la poignée. La poignée à gauche n’a pas passé le « Quality Control » de JB qui juge que rien ne va : ni la coupe, ni la couture, ni les tranches. J’ai dû refaire la poignée (à droite) en étant plus raisonnable, laissant de côté l’effet 3D que je ne maîtrise pas bien.
Au début, je voulais une peinture de tranches rose rouge, puis noire, puis je me suis dit qu’avec le peu de choix que j’ai à la maison, le plus simple est de mélanger le noir et le blanc pour obtenir une teinte grise qui matchera la doublure grise.
Cette couleur me convient pas mal.
Normalement, pour la teinture des tranches, pour obtenir la teinte désirée, on n’a besoin que deux 4 couleurs de base (système CMYK), mais je ne les ai pas toutes achetées.
Troisième tentative pour coudre la poche intérieure, je ne sais pas ce qui n’allait pas mais la ligne de couture n’est pas tout à fait droite. Je suis fatiguée, on va la laisser telle quelle.
Place à la base du sac maintenant. Je n’étais pas censée ajouter des pieds mais je me suis dit « pourquoi pas », me voici en train de les placer temporairement pour voir si les pieds que j’ai peuvent aller avec cette petite base. Les pieds métalliques permettent de ne pas salir le sac et ils ne sont pas si lourds que ça, ça ne me coûte rien de les ajouter.
On coud maintenant le panneau de devant avec la base.
Je prépare également les soufflets.
Je mets en place la poignée. Elle aura comme soutien un morceau d’acier, qui permettra à la poignée de supporter tout le poids du sac sans être déformée. Ce morceau d’acier est le secret bien gardé des sacs de qualité.
Quelle émotion ! c’est la première poignée de ma vie, je suis assez fière ! Elle peut également s’aplatir complètement pour qu’on puisse utiliser la sangle sans en être gêné.
Le modèle ne prévoit pas de sangle. Après beaucoup d’hésitation, je décide d’ajouter 2 anneaux sur le panneau de derrière pour soutenir la sangle amovible. C’est la première fois que j’apprends à le faire.
On m’a demandé pourquoi les deux anneaux n’étaient pas mis au niveau des soufflets : c’est pour éviter le frottement de la sangle avec le sac (qui pourra abîmer les tranches). Les soufflets ne sont pas assez costaud pour supporter tout le poids du sac. Le fait de les mettre derrière le sac risque de faire pencher le sac en arrière, mais après test, je me suis rendu compte que ce n’était pas le cas quand on porte le sac en bandoulière. L’emplacement idéal aurait été au niveau de la poignée (pour profiter de la présence de la barre en acier) mais je n’ai pas les poncets métalliques nécessaires. Ce sera probablement pour un autre projet.
Tous les éléments sont prêts, on va passer à l’assemblage.
Tout d’abord, il faut mettre toutes les parties métalliques avant de coller la doublure en cuir.
On s’assure que tout est propre et bien protégé à l’intérieur contre les frottements, avant de mettre la doublure.
La doublure en cuir grise est désormais munie d’une petite poche. J’ai voulu ajouter un mousqueton pour accrocher des clés, mais j’ai pensé qu’il ne pourrait pas résister aux attaques d’un enfant : il allait tirer dessus et déchirer la doublure, donc j’ai abandonné l’idée. Mais si c’était un sac pour moi, j’aurais ajouté un emplacement pour un Airpod + mousqueton pour les clés.
Je colle la doublure au cuir extérieur, passe le fer à fileter.
Je colle les soufflets aux panneaux et il est temps de coudre. Je fais l’erreur de coller alors que la colle est encore humide, bouchant les trous de couture que j’avais déjà faits, rendant la couture ultra difficile. Je ne ferai plus jamais cette erreur, promis.
On commence le travail des tranches.
Quand la peinture est bien sèche, je mets la seconde partie du fermoir. C’est un moment intense car un mauvais trou et il va falloir tout recommencer.
Et voici le résultat final (je vais terminer le travail des tranches de la sangle plus tard).
Cuir extérieur : Negonda des Tanneries Dupuy. Doublure : Swift de Pomari.
C’est la première fois que j’ai tous les outils professionnels à la maison pour faire un sac de manière la plus soignée possible, même mon couteau a été aiguisé par mon prof (de reliure) pour pouvoir parer comme il faut. Avant, je pensais être nulle en parage mais quand j’ai essayé sur une surface bien plate (ce que je n’avais pas auparavant) avec un couteau bien aiguisé, j’ai su pour la première fois de ma vie réduire de 0,4mm d’épaisseur à presque 0 sans déchirer le cuir.
Les deux nouveautés que je me suis offertes sont : le fer à fileter et le poney à coudre avec extension, spécialement adapté aux sacs. Ces deux outils faits par des artisans vietnamiens m’ont changé la vie. Comme quoi, il ne faut pas être cheap et il est indispensable d’investir sur des outils de qualité pour faire de la qualité (sans compter des cours de maroquinerie pris avec mon prof). Je suis ravie de mes investissements !
J’ai adoré avoir un projet qui utilise des accessoires métalliques, j’adore ça ! Je trouve que ça apporter un vrai + au projet.
Cette fois-ci, je n’ai pas été cheap en renforcements, j’ai acheté 5 types de renforcements de différentes épaisseurs et ça a été un grand plaisir de pouvoir utiliser le bon renforcement pour les parties fragiles, je pense que ça se voit puisque le sac tient debout tout seul (ouf) et gardera sa forme (j’espère) dans le futur.
Contrairement aux autres projets où c’était la course contre la montre, j’ai eu suffisamment de temps cette fois-ci pour avancer petit à petit et ne pas me tromper. J’ai suivi les étapes dans l’ordre, avec de longues pauses dues aux JO. J’ai eu tellement de temps de réflexion que vous pouvez par exemple apprécier ce détail : la continuité du grain de cuir sur deux morceaux de cuir sur le front vs. un sac vendu en magasin qui n’a pas bénéficié de la même réflexion. Au moment de la découpe, j’ai fait très attention pour avoir cette continuité, en sélectionnant la meilleure partie pour le devant du sac, et en orientant les morceaux de façon que le grain se suive parfaitement.
Il y a encore des imperfections perceptibles (couture, renforcements, peinture, doublure) et le design est toujours améliorable, mais c’est déjà un grand progrès par rapport à mes autres projets en cuir. C’est seulement le deuxième sac en cuir que je fais et la couture s’est beaucoup améliorée par rapport au premier sac. J’ai fait des erreurs que je pourrai clairement éviter la prochaine fois. J’ai beaucoup aimé avoir un template en carton pour pouvoir aligner les trous, et m’assurer d’avoir des morceaux de cuir au millimètre près (mon cuir souple se dilate beaucoup et c’est appréciable de pouvoir vérifier avant de coudre). Cependant, ce fournisseur de templates n’est pas très fiable et il y a quelques erreurs dans son template. Idéalement, j’aimerais pouvoir faire moi-même ces templates en utilisant par exemple ma machine de découpe Silhouette (ce que je ferai plus tard avec ce sac bûche de Noël).
Budget
- Cuir rose : 1322000VND (cette chute a beaucoup de défauts donc je n’ai pas pu en utiliser beaucoup) soit 49euros, acheté chez 3Q Leather
- Cuir de doublure swift gris : 1100000VND (il m’en reste beaucoup) soit 40 euros, acheté chez 3Q Leather
- Template : 400 000VND soit 15euros
- Fermoir : 330 000VND soit 12 euros
- Pieds métalliques : 100 000VND soit 3,7 euros
- Barre en fer : 2,5 euros
- Anneaux D-ring : 0,5 euros
- Pour la sangle : Stainless Steel Swivel Bolt Snap 10 euros
- Renforcements : Salamander 0,6mm, Hotmelt, Lysiane, Tissu autocollant (je ne compte pas dans le budget car j’ai acheté des grosses quantités)
- TOTAL (sans compter les outils, fils et peintures de tranches) : 132,7 euros