J’ai toujours eu une obsession pour les valisettes. Quand on habitait à Paris, tous mes outils DIY étaient gardés précieusement dans des valisettes en carton. J’ai même cousu une valisette (avec beaucoup de difficultés d’ailleurs) en coton. Depuis, j’ai un énorme respect pour les fabriquants de valises en tissu.
L’année dernière, JB nous a inscrits aux Journées Particulières chez Vuitton et Moynat et nous avons pu voir comment les malles et valisettes étaient fabriquées. C’est une technique difficile (et en voie de disparition), c’est encore en grande partie fait à la main. Si les malles ne me disent rien, j’ai craqué pour cette valisette chez Moynat. Elle est toute petite et a l’air complètement inutile (car contient très peu de choses) mais c’est trop trop mignon ! Moynat, comme Louis Vuitton, avait débuté avec la fabrication des malles de voyage (équivalent des valises aujourd’hui). Ces mini-malles – sac valisettes sont un clin d’œil au passé de la marque.
Voici les photos venant du compte de Moynat
Chez Goyard, ils ont un modèle un peu plus grand.
Step into 2022 the Goyard way: introducing the Grand-Hôtel trunk-bag#goyard#sogoyard#timelessstyle#timelesscratsmanship#grandhoteltrunkbagbygoyard pic.twitter.com/NQuX90p8Vf
— GoyardOfficial (@Goyard) January 8, 2022
Malheureusement, aucun modèle ne me plaît totalement. Je ne suis pas fan de ce canvas plastifié. Je trouve que c’est trop cheap pour un produit entièrement fait main. L’intérieur de la valisette de Moynat est très joli et luxueux (le toucher est divin) mais trop sombre. La poignée chez Goyard ne me plaît pas du tout et la bandoulière tire trop sur le dessus du sac, j’aurais aimé que le poids soit réparti sur les deux côtés du sac.
J’étais en train de me renseigner sur comment les faire moi-même et où trouver des accessoires quand j’ai appris que les valisettes sont devenues hyper tendance au Vietnam. Le maroquinier de luxe Quyn (vietnamien) est en train d’en fabriquer quelques-unes (en crocodile Himalaya) et sa femme, qui vend des accessoires chez 3Q Leather, est en train d’importer plein d’accessoires. J’aime beaucoup sa façon d’organiser l’intérieur du sac, mais je pense sincèrement que sa version est plus grande que ce que je vise.
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Après beaucoup de réflexion, je décide de commander d’abord un sac-valisette chez un maroquinier et j’en ferai moi-même plus tard (pour ranger mes bijoux). La conception de la valisette m’a pris 1 mois. J’ai dû regarder toutes les vidéos que je trouve sur YouTube et tous les articles concernant la fabrication de malles pour me rendre compte des difficultés techniques et trancher (est-ce qu’on met des charnières, est-ce qu’on couvre les coins etc.). Finalement j’opte pour un extérieur semblable à la valisette de Moynat, avec un sangle non ajustable (pour alléger l’ensemble) et un intérieur identique à mon sac en crocodile Himalaya.
Donc je contacte un maroquinier que je ne connais pas du tout (Chung Hoang https://www.facebook.com/chungdodathucong) , qui a déjà fait une valisette il y a quelques mois. Franchement, j’aurais pu choisir un maroquinier à Hanoi, ça m’aurait simplifié la vie mais j’avais envie de lui faire confiance même s’il est à 100km de Ha Noi. On se communique sur Messenger uniquement et après quelques questions, j’ai compris qu’il était aussi difficile/méticuleux que moi. Franchement et lui et moi avons une confiance aveugle en ce projet car (1) je n’ai jamais vu ses créations autres que sur photos (2) il ne m’a jamais rencontrée. Il suffit d’un clic pour qu’on se bloque l’un et l’autre sur Messenger, et que l’un(e) arnaque l’autre.
Maintenant que j’ai de l’expérience (après la conception de mon sac en barénia et en crocodile Himalaya), j’ai été capable de donner un brief ultra précis. Il m’a conseillée pour le choix du cuir (epsom, plus résistant) mais c’est moi qui ai choisi la couleur et conçu l’intérieur. Je l’ai laissé décider tout seul pour les détails comme la dimension de la poche intérieure, de la poignée et les couleurs du fil / tranches. Mon maroquinier a l’air très enthousiaste par le projet, il trouve les couleurs à son goût, le projet ultra intéressant, et différent de la première valisette qu’il avait faite.
Cela dit, il a dû en baver pour réunir tous les accessoires :
- commande d’une boîte en bois sur mesure chez un ébéniste à Da Nang
- commande du cuir et des accessoires chez plusieurs revendeurs à Ha Noi
Sachant que les revendeurs ont fait des erreurs lors de la commande/l’envoi donc pour réunir tout ça, et laisser passer le Têt (où personne ne travaillait), il lui a fallu 2 mois ! Mais pas de soucis puisque je me suis prise 5 mois à l’avance 😀 J’ai demandé à mon maroquinier de m’envoyer régulièrement des photos pour que j’apprenne moi aussi les techniques en regardant ses photos, et qu’on peaufine ensemble les détails.
Une des difficultés rencontrées était l’absence de charnières sous la valisette. Vous pouvez voir que par rapport à la valisette faite par Quyn, j’ai voulu alléger et utiliser le moins d’accessoires métalliques possibles.
Or, lors de la visite des ateliers de Louis Vuitton, j’ai appris qu’on pouvait coller les deux morceaux de bois ensemble en utilisant du lin (photo prise sur le blog de Deedee).
En nous débarrassent des charnières, l’ensemble est plus aérien, plus minimaliste, mais le morceau de lin caché sous la couche de cuir garantit quand même la solidité de l’objet. C’est une astuce que seuls les pros sont au courant. Mon maroquinier a été suffisamment humble pour suivre ma suggestion (avant, il utilisait des charnières). Mieux encore, il a pu améliorer la technique à sa façon. Pour ne pas abîmer ce morceau de lin (en ouvrant le sac régulièrement), on se met d’accord sur une ouverture à 45 degrés. Mon maroquinier sort sa machine de découpe laser pour tester différents templates en papier.
Pour l’extérieur, l’élément le plus important est la poignée. C’est l’élément le plus visible et le plus luxueux, à ne pas rater. Mon maroquinier l’a fait entièrement à la main en sculptant chaque couche de cuir. La poignée toute seule lui a pris une journée entière. Et c’est absolument incroyable car on voit que la symétrie est meilleure avec cette technique, que d’utiliser une sorte de mousse industrielle toute prête.
Chaque morceau de bois est ensuite entièrement couvert en cuir. Aux endroits où deux morceaux de cuir se chevauchent, comme le cuir est plus épais que le canvas utilisé chez les marques de luxe citées ci-dessus, il faut une étape supplémentaire càd affiner l’épaisseur du cuir pour que l’ensemble reste lisse. C’est très difficile également et doit être fait à main.
La valisette ressemble déjà à quelque chose. La poignée faite main est d’un autre niveau, vous voyez !! L’intérieur doit être fait maintenant, puis les clous seront mis partout pour sécuriser le cuir.
Même si c’est moi qui ai choisi les couleurs de cuir, je suis moi-même surprise de voir à quel point ça va trop bien ensemble. La bijouterie en gold va très bien avec le cuir epsom gold. L’ensemble est très très joli, luxueux.
L’intérieur est en cuir de chèvre Alran Sully. C’est un cuir que j’aime particulièrement pour la doublure et je l’utilise déjà dans pas mal de mes projets. Vous allez peut-être me dire que le blanc cassé est salissant, mais ce cuir se nettoie très bien, ainsi que epsom blanc cassé, je trouve que le cuir est plus facile à nettoyer que les doublures en tissu que vous avez actuellement.
Comme d’habitude, le tag portant mon nom peut être facilement enlevé. C’est un réflexe pour moi maintenant. Puisque mes objets vont durer plusieurs générations, j’aimerais pouvoir les transmettre à une autre personne (ma nièce par exemple) et j’aimerais qu’elle puisse enlever mon tag et mettre le sien facilement. Le tag est en epsom gold car nous avons pensé que ce serait plus visible que sur un epsom blanc.
Puisqu’il y a très peu de coutures à l’extérieur, je veux que les coutures faites main soient un peu plus visibles à l’intérieur, pour montrer le talent de l’artisan. C’est pour cela que le fil est en contraste avec le cuir.
Je ne supporte pas un cuir non doublé (ça salit mes ongles) donc tout a été doublé, notamment la petite poche. Et j’ai bien précisé à l’artisan. Il me dit que beaucoup de ses clients acceptent des projets en cuir non doublés pour payer moins cher. Mais ça le tue de ne pas doubler ses cuirs 😀
Et voici le produit final. Je pense que nous pouvons, l’artisan et moi, être fiers de notre travail d’équipe. Après ce projet, je vais tenter de faire une valisette moi-même, sûrement moins bien et plus simple.
En termes de coût, j’ai réglé 30% en acompte pour que l’artisan achète les accessoires. 40% quand le projet est terminé de son côté. Et 30% restant lors de la livraison (il doit faire 100km pour apporter le sac à Ha Noi). Un tel projet ne doit pas être livré par la Poste car l’artisan mérite de voir la joie sur le visage de son client, je pense.
Le projet au total m’a coûté 20 000 000VND soit 730€ tout inclus. Le tag de bagage a été généreusement offert par l’artisan.
Clin d’œil aux malles
Pour la petite histoire, les malles étaient des valises d’autrefois et les hôtels donnaient des stickers aux clients pour qu’ils les collent sur leurs malles. C’était une manière de les personnaliser mais aussi de garder des souvenirs des villes et hôtels visités.
J’aurais pu faire fabriquer des « stickers » en cuir à mon artisan mais je sais que je change souvent d’avis, donc j’ai préféré utiliser des charms à la place, pour me mémoriser de mes lieux préférés. Je les ferai moi-même plus tard. De plus, j’ai voulu mettre un tag de baggage pour faire un clin d’œil aux voyages d’autrefois.