Heureusement pour moi, par manque de place et d’endroit fixe, ma bibliophilie se limite à seulement quelques très beaux livres et beaucoup de visites de musées et de bibliothèques. Après avoir visité le musée Gutenberg à Mayence, le musée Plantin à Anvers, me voilà à Lyon au musée de l’imprimerie et de la communication graphique. J’espère que vous apprécieriez cet article car on a payé 3 reins et 2 bras une chambre en pleine coupe du rugby, juste pour que j’aie le temps de visiter ce musée avant notre retour à Paris.
Vu le temps que j’ai passé dans le musée, même JB se rend compte que le musée me plaît beaucoup beaucoup. En effet, il complète les informations que j’ai pu lire dans les deux musées précédents. En plus, c’est un musée français donc on a plus de livres imprimés en France que les deux autres.
J’ai une passion récente pour de beaux livres et encore plus récente, pour le parchemin. Franchement, j’ai envisagé d’acheter un folio en vélin juste par plaisir, et quand je me suis rendu compte que le contenu religieux (car les parchemins sont souvent utilisés pour les textes religieux) ne m’attirait pas du tout, j’ai conclu que je devais créer mon propre manuscrit en vélin. C’est alors que j’ai entendu parler de l’enluminure et des formations d’enluminure ! J’apprends en lisant les panneaux explicatifs au musée que l’encre qu’on utilise pour le vélin est spécial et doit être mélangé avec du mordant (pour adhérer au vélin). De même, le vélin est préparé avant (lissé et poudré pour enlever le gras, fixé aussi à une planche en bois).
En attendant, c’est au musée qu’on peut admirer les manuscrits.
La reliure n’aurait pas existé si on n’était pas passé du rouleau au codex. Le codex est un ensemble de cahiers reliés avec un pli central. C’est mieux que le rouleau car il est maniable, compact, facilite la rédaction, et permet une lecture rapide et aisée. Avant le papier, on utilisait le parchemin (c’est du cuir, mais non tanné de façon traditionnelle). Chaque feuille (recto/verso) s’appelle un « folio ». Le vélin est un parchemin issu du veau, le parchemin utilise la peau venant des autres animaux. Inventé en Chine, le papier a fait la conquête de l’Europe via la route de la soie. Moins coûteux, plus léger, plus facilement transportable, il est devenu très populaire.
Maintenant, il y a papier this, papier that, des papiers de meilleure qualité que d’autres. Des papiers faits main, papiers avec cellulose, papiers sans cellulose, papiers chiffon, papiers en coton/lin etc. Selon la valeur qu’on souhaite donner au livre et ce qu’on veut imprimer/écrire dessus, on doit savoir quel papier utiliser. Ce serait du gâchis d’utiliser un papier fait main pour un hebdomadaire par exemple. Il y a une partie sur les outils de reliure mais que je zappe car je vais justement faire une formation de reliure.
Jusqu’au XVIIIe siècle, les livres sont souvent mis en vente avec une reliure d’attente (pourvus d’une simple couverture en papier fort). L’acheteur doit ensuite faire relier son achat selon ses goûts, ses moyens, la valeur de l’ouvrage, son usage… chez son relieur favori. Ainsi, tout le monde peut avoir une bibliothèque harmonieuse avec le même style pour tous ses livres. Mais ça coûte cher. Ca explique pourquoi, pour les livres encore en reliure d’attente, certaines pages ne sont même pas coupées, car normalement le relieur va massicoter les 3 tranches, et toutes les pages seront accessibles et libérées.
Après la lecture du livre Remarkable Books (lien Amazon), je suis un peu plus instruite maintenant sur des livres rares valant des millions et des millions d’euros (et savoir les apprécier).
Nous avons 2 pages de la fameuse Bible de Gutenberg à 42 lignes et une feuille de la fameuse Chronique de Nuremberg. Les deux sont exceptionnelles au niveau de la mise en page : la Bible de Gutenberg pour son texte justifié à la main (qui demande donc aux imprimeurs de limer certains caractères), et la Chronique de Nuremberg pour sa mise en page soignée et ses illustrations (qui ne sont pas très variées, certes, par exemple la même estampe est utilisée pour Lyon et Mayence). Pour en savoir plus sur la Bible de Gutenberg, lisez mon article ici.
Grâce aux italiens, on passe des lettres gothiques aux lettres romaines. On a plusieurs typographes célèbres à Venise, dont Jenson, qui a inspiré 4 siècles plus tard l’imprimeur et typographe William Morris. Les lettres italiques sont inventées par des italiens également, et on pourra mettre plus de lettres dans la même feuille grâce aux italiques et vendre le livre pour moins cher.
En France, chaque roi veut avoir sa propre police. D’ailleurs l’Imprimerie nationale conserve bien les matrices des polices en question et ça mérite une visite de ma part dans un futur proche.
On passe ensuite aux gravures : gravure à l’eau fort et gravure à la manière noire. La technique n’est pas très bien expliquée au musée je trouve, ou parce que je connais déjà que je zappe…
En tout cas, j’ai été très contente de voir plusieurs feuilles de l’Encyclopédie de Diderot et voir un tome de cette collection. Il a été imprimée sur du papier chiffon issu d’un moulin à papier pas si loin de Lyon, qu’on a visité il y a quelques semaines.
Quelle surprise de découvrir des presses privées, en vogue chez les membres de la haute société. Ils imprimaient à des fins pédagogiques, de loisir ou de publication. Ces presses sont en format réduit et me plaisent beaucoup car moi aussi j’ai eu la mauvaise idée de vouloir acheter une de ces mini-presses (en me laissant influencer par des vidéos Instagram). Mais j’ai vite abandonné l’idée car il m’aurait fallu trop de caractères, dans toutes les tailles.
La partie qu’on ne trouve pas dans les deux autres musées, c’est sur la lithographie et l’impression en couleurs.
J’ai déjà entendu parler de la lithographie et comprends plus ou moins de quoi il s’agit mais c’est ici que je vois une vidéo de démonstration et les outils.
Cela me plaît beaucoup car une semaine plus tard, j’aurai une discussion avec un éditeur de beaux livres, qui m’explique que la lithographie permet d’imprimer couramment jusqu’à 12 couleurs (30 pour les livres de luxe, mais c’était il y a très très longtemps), mais pour ses illustrations en 60 couleurs, il préfère utiliser des pochoirs.
Au musée, j’avoue ne pas avoir compris la différence entre la chromolithographie et la chromotypographie. Je crois que les deux impriment une couleur à la fois.
Théoriquement, avec seulement 3 couleurs, on peut avoir des millions de couleurs. C’est le principe de la trichromie. En trichromie, on réalise trois clichés de similigravure encrés de trois couleurs. On ajoute un quatrième cliché encré en noir léger, on arrive à la quadrichromie que l’on utilise jusque dans les imprimantes aujourd’hui.
Je suis vraiment vraiment excitée de voir une Linotype, que j’ai vue dans une vidéo d’un imprimeur américain. Au lieu de chercher une lettre à la fois, cette machine permet de taper une ligne entière sur un clavier et les lettres sont fondues en direct. Cela réduit énormément le temps de travail de l’imprimeur.
Ensuite, on se débarrasse complètement du plomb grâce cette machine Lumitype que je vois pour la première fois de ma vie.
Huit polices de caractères sont stockées sous forme d’images en négatif, rangées concentriquement sur un disque en verre qui tourne à 8 tours/seconde. Les caractères, sélectionnés au moyen d’un clavier électrique, sont insolés sur un film photographique par un éclair stroboscopique qui « saisit » chaque lettre au vol. Les lettres sont flashées une ligne à la fois. La tourelle d’objectifs permet d’agrandir les caractères, 12 corps étant disponibles. Le système optique positionne les lettres sur le film photographique.
Le film qui en résulte sert à l’exposition d’une plaque imprimante, montée ensuite sur une presse offset pour le tirage. Je pense qu’une image vaut mille mots. Voici comment on imprime avec une plaque imprimante (la plaque imprimante de la vidéo a été faite grâce à l’ordinateur) :
La dernière partie traite du premier livre de poche (chez Penguin, UK) et du changement apporté par l’ordinateur, mais bon on connaît déjà tout ça. Il y a une partie sur les journaux mais j’étais trop pressée d’aller voir Linotype et Lumitype que j’ai complètement zappé.
Bref, ce sont les 6€ les mieux dépensés de ma vie. J’ai tellement aimé ce musée que je n’ai qu’une envie, c’est d’y retourner. Notamment pour mieux comprendre sur la partie « impression en couleurs » que j’ai parcourue trop vite. Si vous avez visité Mayence et Anvers, le musée à Lyon apportera quand même plein d’informations. Tout est trop joli, les explications trop bien faites, et il y a des livres dont la valeur est inestimable, je suis trop contente de les avoir vus en vrai.
Informations pratiques
MUSÉE DE L’IMPRIMERIE ET DE LA COMMUNICATION GRAPHIQUE
13, rue de la Poulaillerie
69002 Lyon (métro Cordeliers)
Accès
Métro ligne A, arrêt Cordeliers
Bus : C3, C5, C9, C13, C14, 27, 171
Cars : dépose-minute quai
Jean-Moulin (côté Rhône)
T. 04 78 37 65 98
mil@mairie-lyon.fr
Individuels :
– du mercredi au dimanche, 10h30 à 18h (fermeture de la billetterie à 17h30)
Groupes (réservation obligatoire) :
– du mardi au vendredi de 9h à 18h (fermeture le mardi de 12h30 à 13h30)
– samedi et dimanche de 10h à 18h
– visites libres possibles du mercredi au dimanche de 10h30 à 17h30
Fermé le lundi et 1er janvier, 1er mai, 1er novembre, 25 décembre