[Avis] Stage – Cours de reliure chez CFRPE à Tours (France)

Récemment, une copine m’a conseillé de me dépêcher de liquider mon CPF car bientôt, l’état nous facturera des frais pour utiliser nos CPF durement accumulés. Avant, je pensais que seuls les cours de langues, ou des cours liés à mon activité professionnelle étaient autorisés. Mais ce n’est pas le cas : on peut choisir n’importe quelle formation, même la plus éloignée de son activité professionnelle. J’ai repéré des cours de maroquinerie, de reliure, de joaillerie et j’ai opté pour la reliure suite à ma passion (ultra récente) pour de beaux livres (parce que, je vous le rappelle, je lis essentiellement des ebooks).

J’ai choisi le CFRPE à Tours car non seulement ils ont de nombreuses dates, plusieurs relieurs professionnels ont été formés chez eux pour la restauration, c’est (accessoirement) un centre de formation pour l’obtention du CAP reliure, mais en plus, il se situe seulement à 10 minutes à pied de la gare de Tours (ce qui n’est pas le cas d’autres centres de formation situés en no man’s land, au bout du bout de la France, et nécessitent une voiture).

J’ai déjà fait un peu de reliure en suivant des tutos à gauche à droite, et j’ai trouvé ça très intéressant et gratifiant. Cependant, je n’arrive pas à comprendre pourquoi ma reliure n’était pas parfaite et comme la lecture des livres spécialisés m’a rendu encore plus confuse, rien ne vaut un vrai cours avec un vrai artisan. Et j’ai bien fait, car j’ai appris beaucoup plus de choses en 3 jours qu’en plusieurs semaines d’auto-apprentissage.

Note : ce post n’est PAS sponsorisé et la formation a été financée par mon CPF (donc merci à moi-même de l’avoir choisie :D)

Inscription : c’est super facile, il suffit d’aller sur moncompteformation, vous connecter et chercher « reliure » et indiquer « Tours » comme ville, vous verrez plusieurs formations avec plusieurs dates. Celle que j’ai choisie s’appelle « BLOC 3 – EXECUTION D’UN OUVRAGE DE RELIURE : RELIURE EN 3 PARTIES (niveau débutant) ». Je sais, ça fait un peu peur car on se demande s’il faut faire les blocs 1 et 2 avant d’attaquer le Bloc 3, mais ne vous inquiétez pas, quand on lit la description, on s’aperçoit que c’est pour tout le monde, absolument TOUT LE MONDE, sans pré-requis. Pour voir les dates, cliquez sur « voir plus de sessions »

Choisissez la date qui vous convient

Demandez ensuite un devis et Olivier va confirmer très rapidement votre inscription.
Franchement, par rapport à d’autres formations que j’ai faites, je trouve CFRPE très pro car on reçoit très vite des réponses, puis une convocation au stage (par mail) quelques semaines avant, et un mail la veille du stage avec des horaires précis. Alors que chez les autres, c’était toujours moi qui devais harceler les formateurs et les supplier de me donner des cours 😀 non mais !

Je n’ai RIEN payé, j’ai signé un document vite fait par mail, c’est CFRPE qui s’occupe de la paperasse. Le paiement est envoyé directement depuis moncompteformation (380€).

Logement : près de la gare, il y a toutes les marques d’Accorhotels, c’est très pratique. Même si je pouvais me loger chez de la famille, j’avais des miles Accor donc j’ai été chez ibis Tours Centre Gare (lien Booking), pas loin de la gare et du centre de formation (10 minutes à pied). Le restaurant au RDC est délicieux en plus, je valide leur magret de canard et leur tartare au saumon. A la fin de la journée, après presque 7h de travail manuel, je suis contente de juste dîner à mon hôtel puis me reposer ASAP.

Repas : il y a une grande table, un frigo et un micro-ondes (?) pour ceux qui veulent manger sur place. Le café et le thé sont dispo à volonté pour ceux qui en ont besoin. Il y a une boulangerie (que je n’ai pas testée) à 20 mètres, et à 7mn à pied, près d’un Carrefour Market, une cantine (que je n’ai pas testée non plus). Sinon, il y a plein de restaurants près de la gare (à 10mn à pied), c’est un peu short surtout quand on a juste 1h de pose pour déjeuner, mais j’ai toujours pu déjeuner près de la gare, sans être en retard.

1er Jour

Le rdv est à 9h30. J’ai un énorme coup de cœur dès l’entrée car les locaux sont super grands et très très jolis. Il y a une belle collection de livres anciens et nous faisons de la reliure dans une véritable bibliothèque.

Sur un mur sont accrochés des outils. Je suis trop contente d’en reconnaître la plupart, soit parce que je les ai vus dans mes livres de reliure, soit parce que je les ai, soit parce que ce sont des outils de maroquinerie ou de linogravure. La qualité de ces outils témoigne du sérieux du centre, car on ne peut pas faire de belles choses avec des outils cheap.

Il y a une belle collection de livres imprimés par MAM, un éditeur tourangeau. Ils ressemblent un peu aux Hetzel, avec ce cartonnage rouge caractéristique et le même format. Je suis triste car ça me rappelle mon Jules Verne en demi-reliure que j’ai destroyed rien qu’en essayant de le lire 😀 Un libraire m’a promis de me trouver un autre exemplaire plus beau, plus costaud (et plus cher aussi). Ce centre propose aussi des formations de restauration, on va voir si je restaure ou si j’achète un autre exemplaire…

CFRPE est un business familial, avec 5 formateurs (le père, Olivier Maupin et le fils, Lucas Maupin, 3 autres formateurs que je n’ai pas rencontrés) et la maman (Véronique Maupin) qui s’occupe notamment des commandes de fournitures et d’outils. Mon formateur est Lucas Maupin (il s’occupe aussi des élèves de CAP les autres jours), tandis qu’Olivier donne une formation de restauration dans une autre salle.

Nous sommes 10 en tout et tout le monde est soit bibliophile soit a un travail lié aux livres et à l’art… Il y a une bonne ambiance. J’aime beaucoup ce groupe, constitué de personnes éduquées, polies, agréables, discrètes, qui ne se perdent pas dans le small talk pour meubler le silence, mais ne se communiquent que pour dire des choses intelligentes ou poser des questions pertinentes.

Le premier jour, on a appris à :

• acquérir le vocabulaire nécessaire
• déterminer le grain d’une feuille de papier
• à partir des feuilles blanches : coudre des cahiers sur cousoir : une grande première. C’est plus facile que ça en a l’air, moi qui étais terrifiée par l’idée d’utiliser un cousoir, ne le suis plus 😀
• créer les mors
• coller les gardes de couleur
• massicoter
• ensuite, on a déposé une multitude de couches de colle sur le dos

Je trouve le rythme un peu lent, mais c’est pour que tout le monde puisse suivre correctement et éventuellement se tromper. Et aussi parce que nous ne sommes pas à Paris avec des stressés de la vie 😀

2ème et 3ème jours

Ce que je trouve bien c’est que même s’il y a des outils hors de prix, que je ne vais jamais acheter (par exemple la cisaille, le massicot, la presse), le prof tient à nous montrer comment les utiliser et on peut vraiment les toucher et les utiliser. Ainsi, ces énormes outils qui ne me donnaient pas envie (car j’avais peur ne pas avoir assez de force pour les manipuler correctement) ont été plus ou moins apprivoisés en deux jours (même si ça ne fait pas de moi une experte).

Lors de ces deux derniers jours, on a appris à :

• créer des tranches jaspées. Maintenant que je connais la technique, j’en mettrai partout car c’est plus facile à faire sur des livres existants que d’avoir des tranches unies sur un livre déjà relié
• créer des tranchefiles à partir du papier. C’est une de mes parties préférées. Je pense que je vais beaucoup aimer faire des tranches cousues lors de la formation avancée.
• aplatir le dos en collant plein de choses dessus
  
• créer et coller un soufflet. Quelle technique extraordinaire, c’est ça qui manquait dans mes reliures amatrices.
• ensuite, on a préparé des éléments nécessaires pour la couvrure et il y a énormément d’étapes que je vois pour la première fois

Lucas nous explique au fur et à mesure l’utilité qu’une tâche qu’on déteste particulièrement (ponçage), ou d’une tâche dont on ignore l’existence (le soufflet)… J’ai une excellente mémoire mais face à autant d’étapes, j’ai trouvé ça super utile qu’il nous montre au ralenti les étapes à suivre la première fois, puis il le refait une deuxième fois, comme un reminder…

Tout le monde filme le prof pour avoir une trace des explications à regarder à la maison, plus tard. Mais dès la 2ème moitié du 2ème jour, les smartphones commencent à ne plus avoir de batterie ou de mémoire 😀 Cela dit, sur place, j’ai trouvé plus efficace de filmer la première explication, puis prendre des notes lors de la seconde. Comme je vous l’ai toujours dit, écrire à la main aide à mieux mémoriser l’information.

Tout ce travail me permet de mieux apprécier un livre bien relié d’une part, et améliorer drastiquement mes techniques d’autre part.

J’ai été agréablement surprise car :

• le lieu est plus beau que ce que je ne pensais
• je suis partie avec un livre encore plus beau que ce que je pensais être capable de faire
• même si j’ai l’habitude de manipuler du papier, je suis ravie d’apprendre de nouvelles techniques, par exemple comment utiliser son scalpel
• on me pointe mes erreurs mais ne me force pas à tout recommencer, il y a une petite marge d’erreurs autorisées. Pour les débutants, c’est important de ne pas se sentir nul, on sait qu’on n’atteint pas encore la perfection, mais on sait pourquoi, comment s’améliorer la prochaine fois, ça m’aurait découragée si on m’obligeait à tout refaire dès la moindre erreur.
• Cependant, quand un élève est insatisfait de son travail, Lucas propose de corriger l’erreur même si c’est contraignant. Par exemple, en revenant sur une étape précédente. Sans son aide, j’aurais été mortifiée de voir mon livre asymétrique suite à une erreur de découpe, et il a fallu installer tout un tas d’outils pour corriger ces 2mm perdus. Bref, j’en suis extrêmement reconnaissante, j’aurais trop honte de montrer à qui que ce soit un livre avec une erreur aussi apparente.

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A la fin, Olivier, qui s’occupe de la mise sous cellophane (pour continuer à compresser le livre), a commenté mon travail en indiquant les points forts/points faibles. Ca m’amuse beaucoup car tout le monde lui montre son livre en attendant la sentence tomber, comme un accusé au moment du verdict. Mon livre est considéré comme « joli », mais avec un plat plus relevé que l’autre à cause d’une erreur à la fin du premier jour : j’ai laissé le corps d’ouvrage reposer toute la nuit dans l’étau de manière légèrement asymétrique, mes deux mors étaient inégaux et ce n’était pas tout de suite visible pour moi. S’en suivait un petit décalage lors du moment de colle des plats à la carte à dos, un plat mieux poncé que l’autre et le résultat n’était pas parfait aux yeux des professionnels. Mais les amateurs ne le remarqueront pas 😀 (j’espère). Je lui ai demandé de m’attribuer une note sur 20, il a dit 14 ahahahah Ma voisine de table qui a déjà pris des cours avant me confirme que la perfection demande que chaque étape soit parfaitement bien exécutée, et une erreur, même micro, va avoir des impacts importants sur le résultat final.

A la fin de la formation, on peut acheter des fournitures & outils de reliure sur place (colle, teinture, papier, livres etc.), c’est superbe car c’est dispo en petits contenants. Au lieu d’acheter 1L de teinture, on a de petites bouteilles. Les cartons peuvent être coupés sur mesure à la cisaille. Les prix sont très intéressants également et on peut aussi leur envoyer un mail pour commander et recevoir en colis.

S’il y a des reproches à faire (parce que la perfection n’existe pas), je dirais juste :

• un rythme un peu lent pour moi, mais on m’a déjà dit lors d’autres formations que j’étais trop speed
• à part les faux nerfs, on n’a pas eu le temps de décorer le dos avec le marquage à chaud (mais j’ai vu que le style changeait d’un cours à l’autre). Il n’y a pas d’impact pour moi car j’ai vu mon maroquinier le faire, mais certaines élèves étaient un peu déçues car le marquage à chaud aurait apporté un petit signe distinctif (initiales ou un ornement).

Exemple de livres qu’on peut apprendre à faire lors du stage

CFRPE

Vous pouvez consulter les dates des prochains stages ici : https://www.cfrpe.com/stage

Pour ceux qui envisagent une formation plus longue pour obtenir le CAP, sachez que vous pouvez venir 3 jours par mois, puis continuer le travail chez vous (30h par mois). Au bout de 9 mois, vous passerez le CAP (examen de 16h étalé sur 2 jours) directement au centre (du coup, vous êtes déjà habitués aux outils et au lieu).

Je vous rappelle que je n’ai aucune affiliation avec eux, je ne touche rien en écrivant cet article, je ne suis pas sponsorisée, mais je tiens à mettre en avant l’artisanat, et l’excellence.

Budget

• Formation : 380€ financé par mon crédit de CPF
• Hôtel ibis Tours Centre Gare (lien Booking) : comptez 60€/nuit
• Restaurant : chez ibis : 15,6€ le plat. Chez les autres : entre 15€ et 22€. A la boulangerie : 8-9€
• Train Paris – Tours : 80€ en TGV (aller-retour)

Vélin/parchemin

Comme l’atelier a beaucoup de livres anciens, j’ai pu toucher pour la première fois des livres couverts en parchemin et/ou vélin. Je rappelle que le parchemin est un cuir qui ne suit pas le process de tannage comme les autres cuirs (que j’utilise en maroquinerie). Le vélin est un parchemin fait avec de la peau du veau (ou le veau mort-né, RIP), le parchemin est un cuir fait des peaux d’autres animaux. Le vélin est plus cher et plus fin que le parchemin ordinaire.

La dorure sur le parchemin, c’est quelque chose ! Ca va tellement bien ensemble !

J’ai vu un de mes fournisseurs de cuir préférés proposer du parchemin mais comme je ne savais pas quoi faire avec, je n’ai pas encore acheté. Or, Lucas, mon formateur, a eu la bonne idée d’utiliser ce matériel d’exception pour ses plats de livre de démonstration (les élèves utilisent du papier standard), du coup j’ai pu comparer son process avec le nôtre et voir comment utiliser du parchemin pour mes futures créations. J’ai aussi obtenu l’adresse du tanneur de parchemins/vélins.

J’ai oublié de prendre en photo le livre de Lucas relié en parchemin avant la mise sous cellophane, pardonnez-moi. En vrai, (sans cellophane et sous une lumière moins harsh), c’est absolument magnifique. Ce parchemin, non blanchi, met encore plus en avant les irrégularités de la peau. Cela me rappelle visuellement mon cuir de porc chez Hermès avec pores apparents. C’est moins standardisé que le cuir tanné. C’est vendu super fin et on peut poncer au lieu de parer (le parage est mon pire cauchemar). Le toucher est amazing, et le savoir-faire excellent, j’espère arriver à ce niveau un jour.

D’où vient cet intérêt récent pour le vélin ? La lecture du livre « Remarkable books« , la visite du musée d’imprimerie à Lyon, entre autres. Et puis, récemment, quelqu’un a partagé en vidéo un exemplaire des œuvres de Chaucer, imprimées par Kelmscott Press (William Morris, ma nouvelle obsession <3), relié en vélin. C’était tellement beau que je me suis demandé si je devais (1) partir à la recherche d’un livre relié en vélin (2) ou le faire moi-même. On m’a complètement achevée en me montrant, au salon des Livres Rares à Paris, des manuscrits sur du vélin, d’une blancheur incroyable et enluminés à la main… bientôt il va falloir me mettre à la calligraphie gothique et aux lettrines dorées 😀 J’ai commandé un exemplaire d’Animal Farm chez Suntup Press. La reliure me semble un peu boring et je me sens maintenant capable de relier avec du vélin ou du parchemin pour mieux mettre en avant le côté « Animal Farm ».

Bref, ces 3 jours ont juste confirmé ma passion pour la reliure et je recommande vivement à tout bibliophile d’y participer.