Lors de mon séjour en France, j’ai rencontré plusieurs « bobos » et j’ai été sidérée de voir à quel point le politiquement correct avait réussir à leur faire un lavage de cerveau complet. Je ne reconnais plus mes amis, je ne partage plus les mêmes valeurs qu’eux. Je ne sais pas pourquoi l’égalitarisme ne le dérangeait plus, alors qu’ils ont maintenant des enfants. J’ai rencontré un ado, un génie, un des plus intelligents que je n’aie rencontré, mais son père bobo (il se définit comme tel) a tenu un discours contre l’élitisme et a déclaré que les grandes écoles n’apportaient rien par rapport à la fac.
Chez d’autres, j’ai cité un livre japonais qui affirmait que tout se jouait avant 3 ans (« Tout se joue avant la maternelle » – de Masaru Ibuka), que les enfants sont nés avec quasiment les mêmes aptitudes mais c’est l’environnement entre 0 et 3 ans qui les différencie.
Les recherches menées en neurosciences montrent même que c’est au cours des 3 premières années de sa vie que l’enfant crée le plus de synapses. Ces dernières sont fondamentales : elles permettent aux neurones de se connecter entre eux et d’échanger ainsi des informations. « Un enfant nait avec un cerveau contenant à peu près le même nombre de neurones qu’un adulte, c’est-à-dire 80 à 90 milliards. Mais durant les 2 à 3 premières années, les synapses se mettent en place à un rythme effréné », s’enthousiasme Jérôme Prado, chercheur au sein du Centre de recherche en neurosciences de Lyon (CRNL).
Plus on a de synapses, plus on est intelligent. Si cette période était ratée parce qu’on ne stimulait pas assez les enfants, ils auraient mis beaucoup plus de temps plus tard pour développer les mêmes aptitudes (ou alors ils n’en auront jamais). D’où l’importance de ne pas leur exposer non plus aux écrans avant 6 ans. On m’a dit que c’était trop culpabilisant pour les parents.
Je suis sortie de ces dîners, me sentant comme une OVNI. Si même les bobos ne veulent plus le meilleur pour leurs enfants, et veulent supprimer l’élitisme, que se passe-t-il exactement en France en ce moment ? Tandis que Tiktok nous nourrit de vidéos débiles, des millions de chinois sont en train de s’inscrire massivement aux cours du soir pour faire face à la crise (lien).
C’est lors d’un stage de reliure en France que j’ai fait face au nivellement par le bas pour la première fois de ma vie, je vous l’ai déjà raconté.
Quand j’avais 6 ans, j’ai intégré le conservatoire de Hanoi, suite à une série de tests d’aptitude. Je ne le savais pas, mais c’est seulement en comparant le temps d’entraînement que je fais à la maison vs. les autres, que mes parents se sont rendu compte que j’étais extrêmement douée. Ainsi, mon prof, pour me pousser à m’entraîner plus, voulait me démontrer que je n’étais pas meilleure que les autres en m’envoyant faire une compétition nationale. Le pire c’est que j’ai remporté plusieurs tours.. et ai échoué seulement au niveau national où j’étais trop distraite, pas assez douée et ai fini avec un 3ème prix national. C’était la première claque de ma vie. Heureusement que je l’ai eue très tôt et par la suite, j’ai compris la valeur du travail, et que le talent inné ne suffisait pas.
Quand j’étais dans ce lycée pour élites, il y avait d’autres camarades, trop habitués à être premiers de leur classe. Dès le premier devoir, ils ont eu un choc, ils avaient 6 sur 20 ! Ces élèves qui ne devaient pas donner beaucoup d’effort pour suivre les cours et avoir de bonnes notes toute leur vie, ont dû se réveiller vite et rattraper le rythme et à la fin de l’année, ils ont réussi à avoir 12. Mais un 12 dans ce lycée équivaut à 19 ailleurs. Tout ça pour dire qu’on est peut-être le meilleur de son école, mais tant qu’on ne croise pas encore les gens meilleurs que nous, rien ne nous poussera à aller encore plus loin. Je pense que nous avons besoin d’un niveau de plus en plus élevé pour nous pousser à aller plus loin, plus haut. Tout le contraire du nivellement par le bas !!!!
Dans le film « Idiocracy », un américain moyen se réveille 500 ans après une expérience d’hibernation et découvre qu’il est l’homme le plus intelligent de la planète. En 500 ans, le monde a changé : comme les plus intelligents font moins d’enfants, et les moins intelligents en font 10, le QI moyen est alarmant. Umberto Eco mentionne également une nouvelle où un homme se voit projeter dans le futur et est immédiatement recruté par le service secret car c’est le seul au monde à connaître encore par coeur la table de multiplication 😀 ces exemples font rire mais ils ont l’air prémonitoires.
J’ai lu un livre qui m’a beaucoup plu : « La tyrannie du divertissement » (lien Fnac, lien Amazon) d’Olivier Babeau, qui m’a donné pas mal d’insights. Nous pouvons encore sauver la génération zoombie, en leur apprenant à mieux utiliser leur temps libre.
Quand je parlais aux gens de mon projet d’être FIRE (en retraite anticipée), les gens pensaient que j’allais ne rien faire le reste de ma vie et que j’allais m’ennuyer. Parce qu’eux-mêmes ne savent pas exactement quoi faire de leur temps libre, ne serait que pendant un week-end. Il y a 3 manières d’utiliser son temps libre et nous n’avons sûrement pas la même répartition :
- tourner vers l’autre, par exemple sortir boire un verre, aller au cinéma avec un copain, faire partie d’une association…
- tourner vers soi, le skholè, très studieux, son but est la progression personnelle, par exemple acquérir de nouvelles connaissances, lire un livre sérieux, aller au musée, regarder un documentaire intéressant, faire de la maroquinerie… Il repose sur la mise en distance du plaisir
- l’oubli de soi, du pur divertissement qui apporte une satisfaction immédiate mais son effet ne dure pas dans le temps(scroller sur Tiktok, Facebook sans but…)
Et les gens délaissent de plus en plus le numéro 2 pour faire essentiellement le numéro 3 (et un peu de numéro 1).
Alors que, selon l’auteur, pour s’adapter à notre environnement qui change 1000 à l’heure, être plus compétitif sur le marché du travail, avoir plus de compétences, on doit continuer le numéro 2 ! Les inégalités se fondent sur l’utilisation du temps libre. Celui qui sait utiliser son temps libre correctement (idéalement une combinaison des 3) s’en sortira gagnant. Celui qui passe exclusivement son temps libre à faire du divertissement sera de moins en moins compétitif au travail.
Mais pour limiter le numéro 3 il faut une capacité à résister à soi. C’est plus facile de scroller sur Tiktok pendant des heures que de lire 1000 pages sur le Yi King. Au lieu de la dopamine, il faut plutôt viser la sérotonine, plus durable. On nous apprend à vivre dans le moment présent, mais il faut aussi savoir planifier et viser le long terme. Par exemple : Face à l’inflation croissante, pourquoi votre argent est encore sur le compte courant ? Vous perdez du pouvoir d’achat chaque année ! Face à xxx emplois qui n’existeront plus d’ici 10 ans, pourquoi vous n’apprenez pas déjà maintenant une nouvelle compétence? Pour réduire le divertissement, on peut par exemple mettre un temps d’écran limite par app, réduire les notifications (ça se configure sur le téléphone), utiliser une machine sans distraction comme reMarkable (il n’y a même pas d’heure dessus) pour lire davantage…
Le monde bouge sans cesse, et je vous assure, en Asie ça bouge 1000 à l’heure. La Chine et le Taiwan imposent des restrictions impossibles à mettre en place en France (interdiction de jouer aux vidéos plus de 3h par semaine aux moins de 18 ans, appel à réduire la consommation des produits de luxe), mais ils vont sauver leur ados, leurs cerveaux et la main d’oeuvre chinoise dans le futur.
La Tyrannie du divertissement par Olivier Babeau
Des loisirs plus équilibrés permettraient une société à la fois plus opulente et plus heureuse.(…) Mieux utiliser son temps libre, c’est être plus créatif, avoir une vie sociale et mentale plus épanouie et donner à la société plus que la seule consommation de divertissements. L’économie libérale de marché fondée sur la libre entreprise et le droit de propriété sur les fruits de son labeur aurait tout à gagner à une place du divertissement plus limitée. Les pays seront d’autant plus puissants qu’ils auront une population cognitivement aiguisée et motivée.
Pour plus d’infos, vous pouvez lire la dernière partie de mon autre article ici.