Nous sommes en Septembre 2023 : Une fois n’est pas coutume, je reçois des invitations au Salon du livre rare et des arts graphiques, après avoir acheté un livre d’occasion qui pue la clope sur un site réservé aux bibliophiles. Les tickets coûtent 10 euros l’unité mais grâce à ces invitations, je peux y aller gratuitement avec ma copine M., ce qui rentabilise un peu le livre qui pue que j’ai mis dans la boîte « livres à échanger » devant le métro. Mon amie M. est curieuse et s’intéresse à tout donc elle est déjà allée au salon des pierres & bijoux avec moi, et maintenant au salon du livre rare alors qu’elle n’est pas bibliophile.
Je suis (un peu) bibliophile depuis moins d’un an donc je suis tout excitée de découvrir ce qu’il y a au salon.
C’est la première fois que je vais à ce salon donc je ne sais pas trop comment bien en profiter, ni où regarder. Forcément, mon attention a été attirée par les stands tout près de l’entrée.
C’est chez M. Moleiro Editor L’art de la perfection que j’ai découvert qu’on pouvait encore acheter des livres d’heures, où les détails dorés sont ajoutés à la main. Ils ont pu faire un parchemin végétal pour reproduire je-ne-sais plus quel livre (dont le pape a un exemplaire). M’intéressant depuis peu aux livres d’heures et à l’enluminure, j’y vois une excellente occasion pour me procurer un facsimile, mais recule vite devant le prix annoncé (dans les 10 000 euros). C’est très joli, mais non merci !

Chez l’édition Henri Piazza, je découvre des livres reliés plein cuir comme j’aime, neufs…. et des livres d’occasion de toute beauté. Je n’ai encore jamais vu de livres aussi beaux, avec des tranches dorées avec motifs, une reliure faite main, un étui fait main. Il y a un bibliophile très intéressé qui demande à voir de très beaux livres d’occasion, ce qui me permet de regarder par procuration. Cependant, les prix ne sont pas clairement affichés et je me sens un peu perdue, car je ne comprends pas trop pourquoi cet éditeur vend des livres d’occasion d’autres éditeurs… Bref, il y a un livre absolument extraordinaire dont les illustrations sont faites aux pochoirs, et les tranches dorées sont hors de ce monde. 6000 euros. Comparé aux livres au stand d’à côté, c’est presque donné ! C’est ici que je découvre le talent de Lucy Boucher, miniaturiste, qui fait des illustrations réalisées au pochoir, il y a tellement de détails et de couleurs que ça nécessite pas moins de 80 passages. Je pense que ce sera plus économique pour moi d’acheter UNE de ses illustrations, plutôt que d’acheter un bouquin entier.


Chez la Librairie Vignes à Paris, je découvre de belles photos notamment un exemplaire d’A l’ombre de jeunes filles en fleurs avec 2 placards de Marcel Proust…

… un très bel exemplaire de Cyrano de Bergerac. Pendant que le libraire nous montre le livre avec précaution, une bibliophile arrive de nulle part et tente de mettre ses doigts graisseux sur l’exemplaire, ce qui nous horrifie. Mais le libraire gère très bien l’incident avec tact, il doit avoir l’habitude !

Mon préféré, c’est ce livre d’artiste par Anne-Lise Courchay, artiste enlumineur mais avec un style moderne (un peu de pointillisme). Elle dessine sur du parchemin puis les colle sur du cuir (« Chaque feuillet est contre collée sur une peau de chèvre velours dont la couleur va jouer en transparence, modifiant le blanc du parchemin, le rendant plus chaud ou froid, plus sombre ou lumineux, renforçant l’ambiance atmosphérique de chaque double page ») et fait la reliure elle-même. J’ai vu d’autres livres d’artiste sur son compte Instagram et j’aime beaucoup son style, même si je trouve que ça manque un peu d’or 😀

Ensuite, c’est le chaos, je ne sais pas trop ce que je suis en train de regarder, je ne vois pas les mêmes livres rares que je vois d’habitude sur les forums de livres rares (il faut dire que je traîne beaucoup trop sur les forums anglophones). Je suis très contente de tomber sur cet exemplaire de « Birds from America » mais après vérification, c’est plutôt The Birds of America d’Audubon que j’aurais aimé retrouver.


Paul Verlaine a l’air de coûter moins cher que Proust, « seulement » 9000 euros.




Les libraires spécialisés « Jules Verne » sont nombreux et ils ont amené leurs plus beaux exemplaires.

Je me renseigne auprès d’une école de reliure dans le 77. Ils ont un programme de CAP reliure à mi-temps. Ce n’est pas la première fois que j’entends parler de ce genre de programmes pour ceux qui travaillent toujours. J’ai l’impression que comme c’est un métier qui se meurt, ou qui s’adresse aux personnes en reconversion, le programme n’est jamais à temps plein. Cependant, la personne au stand est très gentille et m’a dit que je pouvais venir à l’école assister à un cours, juste pour voir comment ça se passe. Sur leur stand, il y a une prof de reliure qui tente de faire de la dorure pour la démo. Elle me dit qu’elle n’en a pas fait depuis 10 ans, que les métiers de relieur et doreur sont complètement différents. Ca me décourage complètement car je me dis que c’est trop bête de perdre 2 ans de ma vie pour finalement ne pas savoir faire de dorure.
Je fais le tour du salon avec M. mais il y a certains stands qui ne sont pas très accueillants par exemple on ne sait pas si c’est un libraire, un éditeur, ou un relieur… Je suis partie de ce salon à moitié contente à moitié confuse car j’ai l’impression de ne pas en profiter à fond. Plus tard, j’ai lu un article écrit par un journaliste sur le salon et on dirait qu’on n’avait pas visité le même lieu, il a cité plein d’ouvrages que je n’ai pas vus.
Mon amie M. a l’air de s’ennuyer aussi donc nous quittons le salon pour nous poser au restaurant juste à côté.
La cuisine est excellente mais un couple assis à côté n’a rien à se dire et la dame en profite pour nous parler non-stop. Elle est très bien habillée, très bien coiffée, et son mari travaillait pour l’UNESCO; mais même lui a l’air de ne plus supporter sa femme, s’asseyant le plus loin possible d’elle et la laisse nous importuner pendant tout le repas – malgré nos tentatives de l’écarter de nos conversations. Il m’arrive souvent que les tables d’à côté écoutent attentivement mes conversations en me regardant comme si j’étais une TV (surtout quand je raconte notre voyage sur l’île de Pâques) mais c’est la première fois qu’une personne s’incruste complètement. Mais bon, j’ai bien mangé 😀 et comme la dame est dispo pour répondre aux questions, je lui ai posé tout un tas de questions sur sa vie pour savoir ce qu’une dame friquée, habitant dans le 7ème arrondissement, ayant organisé le mariage de sa fille dans je ne sais quel château, fait de ses journées. La réponse est si peu intéressante que je ne m’en souviens plus.
J’espère que j’aurais l’occasion de revenir à ce salon une autre année, avec un peu plus de préparation cette fois-ci.

