13 juillet 2006 : la France a perdu la finale de la coupe du monde de football quelques jours plus tôt et je suis à l’aéroport CDG. Nous sommes partis de bonne heure depuis Tours en voiture. J’ai 18 ans et c’est la première fois que je mets le pied dans un aéroport et c’est la première fois que je vais prendre l’avion pour me rendre au Cambodge. A l’époque, mon voyage le plus lointain était le sud de l’Angleterre, imaginez mon état d’excitation à l’idée de faire un voyage de 10 000 kilomètres !
Ce voyage est l’aboutissement de 2 ans de travail. Je suis scout de France et la tranche d’âge 16 – 18 ans a pour objectif de monter un projet solidaire. Ce n’est pas une obligation mais la plupart en profite pour organiser un projet permettant de voyager à l’étranger. Avec mes 3 comparses, nous allons dans une école à Phnom Penh et un orphelinat à Battambang pour faire de l’animation et de la prévention.
En arrivant à l’aéroport, nous apprenons qu’il y a un typhon au-dessus de l’Asie et que l’avion ne partira que quand la météo sera de nouveau favorable. Nous avons droit à un voucher pour aller au déjeuner au restaurant Hippopotamus qui était privatisé pour l’occasion pour les passagers de notre vol. J’ai depuis déjeuné à plusieurs reprises dans ce restaurant en attendant un vol et je me remémore à chaque fois de ce moment avec nostalgie.
Je ne me rappelle pas exactement des délais mais c’est avec 5 bonnes heures de retard que nous montons dans l’avion. Tout est nouveau pour moi et je ne perds pas une miette de ce qui se passe, des démonstrations de sécurité au choix du repas (« fish or chicken ? »). Je me rappelle être éberlué de voir des enfants chinois plongés dans la lecture d’un magazine pendant le décollage. Il m’aura fallu une bonne dizaine de vols par la suite pour avoir un tel détachement devant la sensation magique d’être dans un appareil volant.
Comme prévu, nous atterrissons à Taipei (Taïwan) d’où nous devons prendre un autre avion pour Phnom Penh. Nous n’avions aucune idée de ce qui allait se passer suite au retard du vol. Nous avons la réponse rapidement : une employée nous attend avec un écriteau à mon nom (c’est moi qui avais réservé les billets d’avion). Nous devons être une dizaine de passagers concernés dont quelques français.
Nous sommes pris en charge et allons dormir une nuit sur place avant de prendre un autre vol le lendemain matin. Comme nous n’avons pas de visa pour Taïwan, on nous confisque nos passeports. Pas d’inquiétude, nous n’avons pas prévu de rester sur place.
Nous prenons un bus qui nous amène jusqu’à l’hôtel. Mes yeux s’écarquillent en découvrant qu’il s’agit d’un hôtel 4 étoiles. Avant ça, mes deux ou trois expériences de nuits à l’hôtel se résumaient aux Formule 1 de sortie d’autoroute, c’est un autre monde qui s’ouvre à moi.
Je me rappelle avec émotion d’avoir fait le tour de l’hôtel, d’avoir trouvé une salle de billard, d’avoir découvert nos chambres et leurs lits confortables.
Nous sommes en 2006 et internet n’est pas encore très développé. J’avais un ordinateur portable avec moi (que maman m’avait offert l’année précédente pour mon entrée en DUT Informatique) mais je ne me rappelle même pas avoir eu le réflexe de regarder s’il y avait du Wifi à l’hôtel. Nous avions cependant droit à quelques minutes d’appel international, ce qui nous a permis d’appeler un parent qu’on a chargé de prévenir les autres que tout allait bien.
Nous sommes sortis un peu de l’hôtel et je me souviens d’être saisi pour la première fois de cette humidité si caractéristique de l’Asie du Sud-Est. J’ai également été frappé par le fait de ne pas voir le soleil, sans trop savoir si c’était lié à la pollution ou au climat post-typhon. M’en est resté une mauvaise image de Taipei qui est sans doute imméritée (Taipei est réputé pour être un bon spot pour les nomades digitaux).
Comme nous n’avions pas nos passeports et que nous n’étions pas censés quitter l’hôtel, nous n’avons pas osés aller plus loin que le bout de la rue. Cette crainte était sans doute infondée et c’est avec un brin de jalousie que nous avons appris quelques heures plus tard que des français qui étaient avec nous avaient pris un taxi pour aller visiter un temple. Il faut dire que si nous murissions notre projet Cambodge depuis 2 ans, l’éventualité d’arriver dans un autre pays ne nous avait jamais effleuré l’esprit et je ne suis même pas sûr que nous aurions eu le réflexe de demander à l’hôtel du change pour payer un taxi (nous avions des dollars américains avec nous, monnaie couramment utilisée au Cambodge).
C’est le moment du dîner avec sans surprise… du riz ! Les gamins que nous étions étaient très étonnés qu’une pauvre employée ait pour mission de remplir nos verres d’eau dès qu’ils étaient vides.
Malgré l’excitation, le réveil aux aurores et le décalage horaire ont raison de nous : c’est l’heure de se coucher. C’est un peu roots puisque nous n’avons pas nos valises. Depuis j’ai pris l’habitude de prévoir un sous-vêtement propre dans mon bagage à main lors des vols longs-courriers.
Le lendemain matin, nous retournons à l’aéroport, on nous rend nos passeports et nous recevons nos nouveaux billets d’avion. Avec stupéfaction, je m’aperçois qu’ils comportent la mention business class. J’imagine que la classe économique était complète et qu’on nous as donné les places qui restaient.
Au moment de l’embarquement, nos compagnons d’infortune français nous demandent où on était. Ils nous expliquent alors trop tard que nos billets business class nous permettaient d’attendre notre vol confortablement dans un salon lounge. Ce n’est que 15 ans plus tard que je découvrirais ce que c’est 😀
Nous prenons place à l’avant de l’avion et voyons défiler tous les passagers de l’avion qui ont dû se dire que le scoutisme européen était très différent du leur. 15 ans plus tard et après 3 tours du monde à mon actif, mon tout premier voyage en avion reste le seul en classe business 😀
C’est donc en dégustant un délicieux petit déjeuner et en appréciant un verre de Baileys Irish Cream (oui, dès le petit déj’) que nous avons fait trajet vers le Cambodge où nous allions vivre 3 semaines qui marquent une vie.
A l’arrivée, une seule de nos 5 valises nous attendait, mais c’est une autre histoire…