Mes Favoris du Moment [Juillet 2023] A la recherche du temps perdu : Adaptation BD & Edition Pléiade

Je n’ai jamais pensé m’intéresser un jour à Proust. Le français n’étant pas ma langue maternelle, je me voyais mal commencer ce roman aux phrases interminables, réputé difficile même pour les professeurs de français qui n’ont pas osé aller jusqu’au bout.

Et pourtant, lors d’une promenade à Amsterdam, nous sommes entrés dans une librairie, cosmopolite avec un coin réservé uniquement aux livres francophones. S’y trouvait une version illustrée par Stéphane Heuet. J’ai pris en photo la couverture pour faire plus de recherches à la maison.

Une adaptation BD réussie

J’ai découvert que cet illustrateur avait entamé l’adaptation BD du roman : A la recherche du Temps Perdu depuis 1998 et il a réussi avec brio l’adaptation des premiers tomes : Du côté de chez Swann (lien Amazon, lien Fnac) et A l’ombre des jeunes filles en fleur (lien Amazon). Les deux sont proposés, heureusement, en ebook.

Un jour de canicule, je m’ennuyais et avais tellement chaud que je n’avais plus le courage de lire mes livres philosophiques et ésotériques, mes yeux se sont attardés sur les BDs en question. Si les premières pages ne m’ont pas convaincue tout de suite : les souvenirs décousus de Combray, le besoin insatiable de l’enfant au moment du coucher, les caprices et la sensibilité exaspérante du narrateur, c’est à partir d‘Un amour de Swann que je sais que je suis foutue : je m’y reconnais dans le côté obsessionnel de Swann (ensuite du narrateur), que peu d’auteurs n’ont jusqu’alors réussi à décortiquer et analyser à ce point la psychologie de ses personnages.

L’avantage des adaptations BD de Stéphane Heuet, c’est la condensation : on se rend compte qu’A la recherche du temps perdu n’est pas seulement une collection de souvenirs désorganisés, il y a de vraies histoires. En plus, le texte vient vraiment de Proust, j’ai été surprise de voir que je comprenais quand même pas mal. C’est donc une excellente introduction au roman.

Stéphane Heuet a réussi à décortiquer pour nous, parmi tous les personnages de la Recherche, les personnages importants à retenir, les phrases les plus importantes, les détails qui semblaient insignifiants mais qui prendraient de l’importance 1000 pages plus loin, facilitant ainsi la vraie lecture ultérieure du roman. De plus, s’appuyant sur une longue recherche d’archives, il a réussi à reconstituer pour nous, en images, la France au début du XIXème siècle : des robes d’Odette aux hôtels de luxe en passant par les lieux emblématiques de Paris.

Malheureusement, l’adaptation BD n’est pas encore terminée et pour connaître la suite de l’histoire, il faut lire le roman.

Mon côté obsessionnel me pousse à le faire, car quand j’ai commencé un projet, j’ai horreur de ne pas le terminer. La lecture du roman est plus difficile car Mr. Heuet n’est plus là pour sélectionner avec soin chaque belle phrase, mais j’ai été très contente d’avoir été introduite à la « cathédrale littéraire » de Proust par un illustrateur aussi consciencieux (il a même redessiné le tome 1 car le trouvait moins consistant avec le reste de ses BDs, à la Proust).

De plus, j’ai été fortement encouragée quand, lors d’une conversation avec un ami, il a dit que sa femme avait lu tout le roman. C’était le rappel qu’il me fallait pour m’attaquer à la grande œuvre.

Ebook, livre audio, Pléiade ?

Quelle édition choisir ?

Après avoir comparé les différentes éditions d’ebook, j’ai décidé d’opter pour celle-ci, peu annotée mais soignée (lien Amazon) tout en m’offrant une version papier de la collection Pléiade, exempte de toute annotation et condensée en seulement 2 tomes (lien Amazon), au tirage limité. Il est marqué : « Ce tirage satisfera les globe-trotters, sans leur être réservé. Les sédentaires le placeront près de leur fauteuil. Les promeneurs le glisseront dans leurs poches. Toute table de chevet pourra l’accueillir. ». Si j’apprécie énormément les annotations de la collection Pléiade, je ne me vois pas suffisamment courageuse pour lire à la fois le roman, les annotations et esquisses, limite vendues au kilo. 4 tomes, c’est trop. 2 tomes me paraît supportable. Cette édition est particulièrement belle car les tranches sont grises et le ruban aussi. Le cuir rouge-cuivré est magnifique. C’est trop classe ! Par rapport à l’édition Pléiade de Voltaire : Contes & Romans que j’ai, j’ai l’impression que le papier est beaucoup moins transparent.

Si le poids n’est pas un problème pour vous, la version 4 tomes de la Pléiade ou les 7 tomes chez Folio vous plairont car il y aura encore plus d’annotations et d’analyse.

Cependant, lire Proust quand le français n’est pas sa langue maternelle s’avère assez difficile. Pour m’aider à bien comprendre ces longues phrases, je lis sur ma liseuse, tout en écoutant la version audio. Ainsi, l’intonation, les pauses du narrateur, m’aident énormément. J’ai choisi la série A la recherche du temps perdu, lu par de grands acteurs. Ayant un abonnement Audible, j’ai droit à un tome par mois (lien Amazon). J’aime particulièrement la voix d’André Dussolier, très engageante. Il fait très bien la voix d’autres personnages aussi. Je n’aime cependant pas la voix de Lambert Wilson. Quand c’est Wilson qui lit, je préfère écouter la version de la Comédie Française disponible gratuitement sur YouTube. Pour mieux comprendre l’ouvrage, j’apprécie également l’analyse fine de Mathilde Brézet dans Le grand monde de Proust (lien Amazon).

Je trouve La Recherche très très drôle. La longue tirade du curé, où il montre toutes ses « connaissances » en étymologie, les réponses hors sujet de Legrandin, l’insensibilité de Françoise, l’ingratitude d’Odette, les mésaventures de M. de Charlus, les souliers rouges d’Oriane… tout ça est raconté dans le moindre détail et analysé avec tellement de finesse que peu d’auteurs auront la patience de Proust pour entamer le même travail. Dans chaque personnage, on retrouve un bout de soi-même, ou un copain, une connaissance. On comprend mieux leur réaction à travers La Recherche, on est plus compatissant car finalement, c’est un comportement tellement humain et universel qu’un personnage a été créé spécifiquement pour ça. Il y a de nombreux petits détails glissés dans une phase, ou une conversation, dont on comprendra le sens seulement plus tard (par exemple quand la dame en rose chez l’oncle Adolphe s’avérait être Odette, la petite phrase de Vinteuil qui explique pourquoi Swann s’intéressait autant à M. Vinteuil quand il l’a croisé dans la rue, malgré la réputation de sa fille, la petite laitière vue du train qui réapparaît 1000 pages plus tard, le G manuscrit de Gilberte du tome 1 retrouve toute son importance dans Albertine disparue…). Ces petits détails sont noyés parmi ces millions de mots, et c’est un exercice satisfaisant de les repérer et les apprécier.

La beauté du roman, c’est l’évolution des personnages qu’on suit au fil des années. Cela dit, ont-ils vraiment évolué ? Ou parce que nous ne les connaissions pas assez ? parce que nous les avons toujours façonnés dans notre tête ? Nous leur imagions une personnalité. Nous aimons l’image que nous avons créée d’eux. Ainsi, derrière les personnages au prime abord ordinaires se cache un immense talent, et, au contraire, quelqu’un comme Swann, respectable et instruit, richissime et populaire, est finalement une coquille vide. A chaque fois que le narrateur rencontre une personne (qu’il admirait en imagination) pour la première fois, il est déçu mais se contente de lui enlever tous les éléments qui ne lui plaisent pas, pour coller l’image qu’il avait de cette personne, avec l’image qu’il voit devant lui. Cette idée est répétée, encore et encore, tout au long du roman :

Mais même au point de vue des plus insignifiantes choses de la vie, nous ne sommes pas un tout matériellement constitué, identique pour tout le monde et dont chacun n’a qu’à aller prendre connaissance comme d’un cahier des charges ou d’un testament ; notre personnalité sociale est une création de la pensée des autres. Même l’acte si simple que nous appelons « voir une personne que nous connaissons » est en partie un acte intellectuel. Nous remplissons l’apparence physique de l’être que nous voyons de toutes les notions que nous avons sur lui, et dans l’aspect total que nous nous représentons, ces notions ont certainement la plus grande part.

Je comprends maintenant pourquoi autant de gens lisent Proust, et relisent.

Ubud Bali (Indonésie) : Carnet de voyage
Notre voyage en Train d'Istanbul (Turquie) à Sofia (Bulgarie)
    Anh

    Anh est franco-vietnamienne et a vécu dans de nombreux pays (Russie, Australie, France, Norvège, Vietnam). Elle aime par dessus tout les chats, le DIY et la bonne cuisine. Ayant une très bonne mémoire, Anh est capable de vous donner le tarif du petit bus pris entre le Chili et la Bolivie qu'elle a pris il y a 3 ans.

    Tous Mes Articles
    Write a comment

    Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.