En 1953, après 3 années de guerre et 3 millions de victimes, Corée du Nord et Corée du Sud se mirent d’accord pour un cessez-le-feu. Officiellement les deux pays sont depuis toujours en guerre mais les combats ont cessé.
Les deux pays ont défini une frontière. De part et d’autre de cette frontière, une zone de 2 kilomètres est démilitarisée, on l’appelle la DMZ (Demilitarized Zone).
Il existe donc une zone de 4km de large quasi fantôme, devenue un paradis de la biodiversité dans laquelle prospèrent des espèces protégées.
Le paradoxe c’est qu’au delà de ces 4 kilomètres, on trouve la zone avec la plus forte concentration de forces militaires de la planète. Environ 1 million de soldats (700 000 soldats nord-coréens, 400 000 sud-coréens, sans compter 25 000 américains), des milliers de véhicules blindés, des champs de mines, …
Au milieu de la DMZ se trouve la JSA (Joint Security Area). Un lieu hors norme, sous contrôle de l’ONU, dernier vestige de la guerre froide.
Dans cette JSA, soldats du nord et du sud se font face, s’observent 24h / 24, distants de quelques mètres à peine. Des baraquements à cheval sur la frontière permettent aux diplomates des deux camps de se rencontrer tout en restant dans leur propre pays.
Paradoxalement, cette région inhospitalière est l’un des gros spots touristiques de la Corée du Sud.
Même si cela peut ressembler à du voyeurisme malsain, nous ne pouvions pas rater ça. D’autant plus que cette zone est au cœur de l’actualité avec la rencontre historique entre Donald Trump et Kim Jong Un intervenue il y a 3 jours à peine (à Singapour par contre).
Deux types de visites sont proposés par toutes les agences touristiques :
– Un « DMZ tour » d’une demie-journée qui nous fait visiter les quelques points d’intérêts de la DMZ.
– Un « JSA tour » d’une durée d’une journée. En plus des visites du « DMZ tour », ce tour permet de se rendre sur la JSA.
Nous avions dans un premier temps prévu un JSA tour qu’il faut réserver plusieurs semaines à l’avance. Malheureusement celui-ci fut annulé à cause « d’opérations militaires ».
Aucune autre date n’étant disponible avant notre départ de Séoul, nous nous sommes rabattus sur le DMZ tour.
Nous avons réservé en ligne sur le site de l’agence VIP travel. Nous avons payé 65 000 wons par personne pour le tour l’après midi. Le tour le matin coûte 10 000 de moins. Toutes les agences proposent plus ou moins les mêmes tarifs. Certaines agences proposent des prix inférieurs mais il s’agit souvent de « shopping tour » avec des longs arrêts réguliers dans des boutiques diverses et variées.
Le tour inclut le pick-up mais nous trouvant hors de la zone de « ramassage », nous devons faire un court trajet en métro pour nous rendre au lieu de rendez-vous.
Un minibus nous récupère à l’heure prévue et nous sommes accueillis par une guide anglophone très sympathique.
Nous prenons la route en direction de la frontière, je dois regarder mon application pour y croire : nous sommes aux portes de la Corée du Nord.
Imjingak Park
Après environ une heure de route, nous nous arrêtons à Imjingak. Il s’agit du dernier village avant d’entrer dans la DMZ.
Ce village a été construit pendant la guerre pour accueillir les réfugiés du nord.
La DMZ étant très difficilement accessible pour les Coréens, c’est ici qu’ils viennent se recueillir.
On peut donc y voir plusieurs objets de commémorations de la guerre ainsi que des drapeaux, espoirs de paix.
Un point d’observation permet d’avoir une vue panoramique sur la zone et de voir le pont de la liberté (Freedom bridge). Ce pont a été construit en 1953 pour permettre le transfert de 12 773 prisonniers libérés entre le nord et le sud. Ce pont n’est malheureusement plus utilisé depuis.
Moyennant l’achat d’un ticket (2000 wons par personne), il est possible de se rendre sur la partie non détruite du Dogkae bridge qui reliait le nord et le sud avant d’être détruit pendant la guerre. L’intérêt n’est pas flagrant mais permet d’avoir une meilleur vue sur le pont de la liberté.
Plus surprenant, ce village abrite un parc d’attraction apparemment prisé par les Coréens. Drôle d’endroit pour faire la fête.
Pendant ce temps, notre guide achète les billets pour la DMZ. S’agissant d’une zone d’accès restreinte, impossible d’y pénétrer en taxi ou avec un bus touristique. Seuls les shuttles gérés par les autorités sont autorisés.
On se rend alors compte qu’il était tout à fait envisageable, contrairement à ce qu’on pensait, de se rendre sur les lieux par nous même et de faire la visite sans passer par une agence. L’agence se fait en effet une sacré marge (le billet coûte 12 200 wons par personne, 7 000 si on est un groupe, nous avons payé notre tour 65 000 chacun). Nous ne regrettons pas notre choix cependant, sans guide, aucune explication en anglais. De plus, notre chauffeur n’avait pas l’air l’homme le plus sympathique sur terre et nous n’aurions su ni quoi faire, ni où aller, ni l’heure du départ à chacun des arrêts.
Nous prenons donc place dans un autre bus et faisons les derniers hectomètres qui nous séparent de la DMZ. Deux militaires sud-coréens entrent dans le bus pour procéder à une sommaire vérification des passeports. J’ai l’impression que la vérification consiste surtout à vérifier que tous les passagers sont étrangers et qu’aucun coréen ne souhaite passer du sud au nord (ce qui serait une drôle d’idée). Nous aurons droit également à un deuxième contrôle au retour.
Après ce checkpoint, nous pénétrons dans le no man’s land. Si nous n’avions pas remarqué la tension qui règne sur ce lieu, les panneaux réguliers sur le bord de la route indiquant des champs de mine sont là pour nous le rappeler.
Dora Observatory
Nous arrivons ensuite au Dora Observatory d’où nous allons avoir une vue imprenable sur la Corée du Nord.
Surprenant lieu où des jumelles sont alignées (500 wons pour 2 minutes d’utilisation) pour permettre aux touristes d’observer « l’ennemie » Nord Coréen. On pourrait se croire dans un parc d’attraction, évidemment rien de tel.
La guide nous indique que nous avons de la chance avec le temps, la vue est particulièrement dégagée. La zone est souvent brumeuse et offre une visibilité bien plus réduite. Essayez donc de planifier votre visite en fonction de la météo.
Vision très symbolique, nous pouvons voir deux drapeaux distants de quelques centaines de mètres. Un drapeau sud coréen et un autre nord coréen. La ville que nous pouvons observer au loin se situe donc en Corée du Nord. Etrange sensation que d’être à proximité immédiate du dernier pays dans le monde à vivre en quasi-autarcie.
La drapeau nord coréen (d’une hauteur de 160 mètres pour dépasser les 100 mètres du drapeau sud coréen) se trouve dans le village de Kijong-dong. En Corée du Nord, ce village est surnommé « village de la paix ». En Corée du Sud, il est surnommé « village de la propagande »… Il a été en effet remarqué que les lumières des maisons s’allumaient tous les jours à heure fixe. En réalité aucun nord-coréen n’habite ici, bien trop proche de la frontière.
Après quelques minutes d’observation, nous sommes invités à visionner une vidéo nous permettant de bien comprendre ce que nous voyons (quelles sont les villes, les bâtiments observables). Une maquette de la zone permet de bien comprendre la géographie du lieu.
The 3rd Tunnel
Après cela, nous reprenons le bus pour nous rendre au «3e tunnel ». Nous commençons par la visite rapide d’un petit musée qui explique l’histoire des tunnels. Les Nords Coréens ont construit 4 vastes tunnels sous la frontière dans le but de préparer une invasion de la Corée du Sud. Ces tunnels permettaient en effet à des milliers d’homme de se rendre à Séoul en une heure.
Ces 4 tunnels ont été découvert grâce aux indications de transfuges du nord. En l’occurrence, le 3e tunnel a été découvert en 1978.
Dans ce musée, une maquette permet de bien comprendre l’organisation de la JSA. La frontière étant représentée par les leds.
Un petit film au léger parfum de propagande nous explique comment l’horrible voisin du nord prévoyait d’utiliser ces tunnels.
Après le musée, nous devons laisser téléphones et sacs dans des casiers et nous munir d’un casque pour nous rendre dans le 3e tunnel.
Les 700 premiers mètres sont faciles et permettent de descendre au niveau du tunnel (il faudra cependant les remonter, moins évident pour les personnes âgées). Les 400 derniers mètres, durant lesquels nous sommes dans le tunnel proprement dit, sont plus éprouvante. Le plafond culmine en effet à 1m60. Avec mon mètre 85, le casque a été un précieux allié.
Nous progressons jusqu’à arriver à l’endroit ou le tunnel a été condamné. Une petite fenêtre nous permet d’observer une zone au fond de laquelle se trouve un autre mur. La guide nous explique que dans cette zone, se trouve un immense réservoir d’eau qui, en cas d’invasion, sera libérée. Grâce à l’inclinaison du sol, l’envahisseur sera ainsi repoussé.
Pour être honnête, il n’y a pas grand chose à voir, l’intérêt du lieu est limité si on occulte l’aspect historique.
Dorasan Station
Nous nous rendons ensuite à la gare de Dorasan qui est la gare la plus au nord de la Corée du Sud.
Cette gare a été financée par des donateurs privés et inaugurée en 2002 par le premier ministre Sud-Coréen et le président américain Bush. La gare est en parfait état de fonctionnement mais est une gare fantôme même si un « train de la paix » touristique permet de relier une fois par jour Seoul et Dorasan.
Il s’agit surtout d’un lien à la charge symbolique forte, espoir de réunification des deux Corées. Un panneau indique le quai pour le train vers Pyongyang, capitale Nord Coréenne mais n’est évidemment pas en service.
Pour les collectionneurs comme nous, deux tampons commémoratifs sont disponibles. Il est mentionné de ne pas tamponner les passeports. Même si je ne vois pas trop quel problème cela pourrait causer, nous abandonnons l’idée.
Pendant notre présence sur le lieu, des étudiants coréens accompagnés de leurs professeurs se mettent à scander avec ferveur un cri de ralliement. La guide nous explique qu’il s’agit d’un slogan en faveur de la réunification des deux Corées.
La Corée du Sud est profondément divisée sur le sujet. Le parti conservateur, dont les électeurs sont majoritairement des personnes âgées ayant connu la guerre, est fermement opposée à la réunification du Nord et du Sud. A Séoul, se tient d’ailleurs tous les samedis de grandes manifestations en opposition au gouvernement libéral en place.
Les libéraux, sont quand à eux en faveur de la diplomatie et d’un rapprochement. La guide nous explique que les élections locales qui se sont tenues la semaine dernière ont vu le parti libéral arriver en tête.
Nous quittons cette gare en espérant que dans quelques années, elle ne sera plus un lieu touristique, deviendra une gare comme toutes les autres et permettra de relier le nord et le sud d’un pays réunifié.
Conclusion
Nous ne regrettons pas d’avoir fait cette visite même si il faut avouer que ce que nous avons vu ne représente pas un intérêt exceptionnel. C’est la forte charge symbolique qu’il faut retenir. Sur le chemin du retour, notre guide nous explique que les dernières mots de son père, sur son lit de mort, furent pour son village au nord. Il n’a jamais pu y retourner après la guerre.
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