La première fois que nous sommes venus à Istanbul, nous avons assisté à à une cérémonie locale de Derviches Tourneurs à Istanbul. En 2023, nous voulions revenir au même endroit, mais nous avons découvert que le lieu était fermé.
Les spectacles « pour touristes » ont encore lieu tous les soirs, mais nous souhaitons assister à un vrai spectacle local auprès de la communauté soufie. Après renseignement, j’ai trouvé un spectacle local mensuel. Il reste une seule place, qu’on peut acheter en ligne. 50TL (à peine 2€). Je propose à JB d’y aller quand même au cas où quelqu’un se désiste, mais il refuse, car l’endroit est assez loin (50 minutes en tram) et s’il est refoulé, il aurait perdu presque 2 heures.
Infos pratiques : les dates sont communiquées un mois à l’avance sur cette page Facebook Vous aurez des infos sur la date, et où acheter le ticket en ligne (j’ai acheté sur le site biletinial.com et payé avec ma carte internationale)
Adresse : Yenikapı Mevlevi Lodge google maps
Prenez le tram 1, descendez à Cevızlıbağ – Aöy puis marchez 7 minutes. Ou vous pouvez prendre un Uber

Arrivée sur place, je découvre que je fais partie des rares touristes à y assister. La plupart des gens semblent se connaître. Il y a des sièges réservés au staff ou à la communauté. JB aurait pu venir car il reste plein de places libres.

La cérémonie commence par un discours rapide en turc.
Les musiciens, à l’étage, s’installent. On commence par une mélodie vocale, puis un instrument joue en solo. Les mélodies sont tellement belles que ça m’a vraiment fait quelque chose.
Ensuite, les derviches tourneurs entrent un par un. On comprend très vite qu’il y a deux maîtres de cérémonie. De l’encens est allumé par l’un des maîtres, il y a des codes religieux que je ne comprends pas, les derviches tourneurs passent un long moment à se saluer les uns les autres. La musique est omniprésente.

Enfin, ils enlèvent leur manteau noir et chacun passe entre deux maîtres, les salue et commence à tourner.

Au début, les bras sont mis sur les épaules, puis les bras descendent au niveau de la taille, puis s’élèvent pour former un V. La tête est toujours inclinée sur la droite.
Quand tous les derviches tourneurs tournent ensemble en harmonie, le deuxième maître passe entre les derviches. S’il touche la robe de l’un d’entre eux, il saura s’écarter un peu. Il le fait car les derviches ont tous les yeux fermés, ils ne sont pas au courant de leur emplacement dans le groupe.

La robe des derviches est très importante, elle les aide à tourner non-stop sans avoir mal à la tête. Les gestes doivent être précis, mais encore une fois, je ne suis absolument pas experte et ne peux pas vous expliquer pourquoi il faut mettre les bras ainsi, et pourquoi la tête est mise ainsi.
Je me permets de vous citer ce passage issu du livre Les initiés (lien Amazon) que je recommande vivement, à propos de RÛMÎ, Djalâl Al-Dîn, dit (Balkh, 1207-Konya, 1273), qui est à l’origine de cette danse rituelle chez les soufis :
Shams va initier son jeune disciple Rûmî Djalâl Al-Dîn au samâ (audition mystique), une musique accompagnée de tournoiements, une danse extatique exclusivement pratiquée par une élite, dont Rûmî n’est pas l’inventeur – car elle est pratiquée à Bagdad depuis le IXe siècle –, mais dont il est le plus célèbre représentant avec l’ordre Meveli des derviches tourneurs qu’il a créé, et que son fils, Sultân Walad, va structurer et ritualiser. La musique et la danse n’étaient pas bien perçues par les docteurs de l’islam, ni même au sein de nombreuses confréries soufies, qui voyaient dans ces tournoiements extatiques, conjugués à la musique, un encouragement aux désirs charnels et considéraient également la poésie comme immorale. […] Rûmî était capable de pratiquer le samâ plusieurs jours de suite et, selon son fils : « Jamais il ne cessait un instant d’écouter la musique et de danser ; il ne se reposait ni jour, ni nuit. Il avait été savant, il devint poète. Il avait été un savant : il devint un poète. Il avait été un ascète : il devint enivré d’amour, non du vin du raisin : l’âme illuminée ne boit que le vin de la Lumière. » La symbolique giratoire de cette danse va au-delà de l’extase divine et de la prononciation du nom de Dieu selon les multiples sens du Coran. Autour du maître, intermédiaire entre le Ciel et la Terre, le tournoiement des derviches vêtus de blanc et couverts de noir, qui se déplacent de l’Orient à l’Occident, symbolise celui des planètes autour du Soleil, ou celui des atomes, avec la fission dont Rûmî semble avoir eu la prescience, tout comme celle de la pluralité des mondes et des systèmes solaires, et – bien avant Copernic – celle de l’héliocentrisme. « Ô jour, lève-toi ! des atomes dansent / Les âmes, éperdues d’extase, dansent / À l’oreille, je te dirai où entraîne la danse / Tous les atomes dans l’air et dans le désert / Sache-le bien sont tels des insensés / Chaque atome, heureux ou misérable / Est épris de ce Soleil dont rien ne peut être dit. » Aujourd’hui encore, la pratique du samâ – qui est le dernier degré du soufisme permettant d’atteindre l’unité avec Dieu en éveillant les cinq sens de l’âme – demeure ésotérique, comme l’avait révélé Rûmî dans cette célèbre parole, qui cache autant qu’elle révèle : « Dans les cadences de la musique est caché un secret ; si je le révélais, il bouleverserait le monde. »
Les derviches tournent non-stop pendant 5 minutes environ, puis font une pause. Puis ils reprennent, et ainsi de nombreuses fois. J’ignore si c’est pour qu’ils récupèrent, car je n’ai pas l’impression qu’ils aient besoin de faire une pause. Tous affichent une mine radieuse, comme si rien ne s’était passé.
Comparé au spectacle que auquel j’ai assité il y a quelques années, les derviches tourneurs sont plus âgés, leurs gestes sont moins gracieux, mais l’expression de leur visage est comme tous ceux qui ont l’air de toucher au monde divin. Il y a beaucoup de sérénité, c’est tellement beau.

Le public est finalement ceux qui en profitent le moins. L’extase des derviches n’est malheureusement pas communiquante. Je dirai que cette danse a un effet magique pour ceux qui dansent, moins pour ceux qui regardent.
Cependant, j’ai beaucoup aimé ce spectacle. Il reste simple, religieux et très beau. La musique est magnifique.
Les photos sont autorisées, mais les gens sont vraiment respectueux et n’utilisent pas de flash et sont très discrets quand ils filment ou prennent des photos. Il y a un restaurant juste à côté si vous avez faim. Il est trop tard pour que je prenne le tramway toute seule le soir, donc j’ai appelé un Uber, mais le tramway est juste à 7 minutes si vous êtes accompagné(e).
Si vous n’avez pas la chance d’être à Istanbul quand le spectacle a lieu, vous pouvez regarder de nombreux spectacles pour touristes proposés tous les soirs. Ca dure plus longtemps, c’est plus impressionnant, avec ou sans dîner. Vous pouvez passer par notre partenaire Civitatis ou notre partenaire Getyourguide.