Istanbul (Turquie) #5 : Cérémonie de Derviches Tourneurs au Centre Culturel Silivrikapi (Silivrikapı Mevlana Culture Center)

S’agissant d’une cérémonie religieuse à laquelle nous avons eu la chance d’être invités, nous avons par respect préféré être les plus discrets possible et ne pas prendre de photos. Les photos de l’article sont celles du site internet du centre. Tous les touristes n’ayant pas la même délicatesse, vous pouvez trouver des photos sur Google Images et même des vidéos sur Youtube.

Si vous souhaitez assister à un spectacle de derviches tourneurs plus « touristique » que l’expérience décrite ci-dessous, vous pouvez réserver un tour sur le site de Viator.

Si les derviches tourneurs sont célèbres, je dois bien dire qu’avant de me renseigner, je ne savais pas trop de quoi il s’agissait. Les derviches tourneurs sont les membres d’un ordre musulman soufi fondé au XIIIe siècle.

Les derviches tourneurs participent à une cérémonie au nom de Samā‘ qui a été inscrite au patrimoine mondial de l’UNESCO en 2008.

Dans les zones touristiques d’Istanbul, vous verrez de nombreuses agences vous proposant d’assister à une telle cérémonie. Après quelques recherches sur internet, il s’avère qu’il y a 3 ou 4 lieux pour y assister et qu’elles n’ont généralement pas grand chose d’authentique et sont organisées pour les touristes. J’apprends que les cérémonie les plus authentiques se déroulent au centre culturel Silivrikapi. Contrairement aux autres endroits, aucune réservation n’est possible, il faut s’y rendre à l’improviste. Les cérémonies ont lieu tous les jeudis soirs à 19h30.

Le centre possède un site internet : https://www.emav.org/en

Partie 1 : Carnet de voyage
Partie 2 : Conseils pratiques

Partie 1 : Carnet de voyage

L’arrivée sur place

Le centre (Silivrikapi Mevlana Kultur Merkezi)  se trouve dans le quartier Fatih d’Istanbul. Il nous faut environ 45 minutes en tram puis à pieds pour nous y rendre.

On n’est clairement pas dans l’Istanbul touristique. On arrive dans un quartier populaire et on emprunte de sombres ruelles. Ayant trouvé très peu d’informations sur internet, je m’inquiète d’ailleurs un peu en me demandant si ce lieu existe toujours.

Finalement, nous arrivons devant une grille qui ressemble à une propriété privée. On se demande si on peut entrer. Il y a de l’animation et une personne nous fait gentiment signe d’entrer. Une femme parlant anglais vient à notre rencontre et nous accueille chaleureusement. Elle nous explique que nous sommes ici comme chez nous, que la cérémonie commence à 19h30 par la diffusion d’une vidéo d’une heure environ, en turque uniquement. Elle nous propose, si on le souhaite, de revenir plus tard à 21h pour le « spectacle » des derviches tourneurs. Comme nous sommes là pour assister à un moment le plus authentique possible, nous sommes partant pour la vidéo également 🙂

La femme nous explique qu’une participation de 50 TL par personne est demandée aux visiteurs.

Une fois payé, nous enlevons nos chaussures et entrons dans la salle. Il s’agit d’une salle relativement grande. Des chaises en plastiques forment un grand arc de cercle au milieu duquel sont disposés des tapis. Les fidèles sont assis sur les tapis, femmes d’un côté, hommes de l’autre. Tandis que les chaises semblent réservées aux personnes âgées… et aux visiteurs.

Nous sommes arrivés à l’avance et voyons donc les fidèles arriver au fur et à mesure. Une grande bienveillance règne dans la salle et les gens semblent très heureux de se retrouver.

Au moment où la cérémonie démarre, nous ne sommes que 3 « touristes » présents dans la salle. Lorsque la vidéo est lancée, Anh aperçoit la durée de la vidéo : 1h50. Si on espère que l’intégralité ne va pas être diffusée, on sent qu’il va falloir s’armer de patience.

La vidéo

Finalement, la vidéo sera diffusée dans son intégralité 😀 Soyons honnête, 1h50 de vidéo dans laquelle on ne comprend pas un mot, c’est long. Très long. Très très long.

Sur cette vidéo, nous voyons un vieil homme parler. D’abord dans un long monologue puis dans une séance de questions réponses. Nous remarquons rapidement que lorsque la vidéo a été tournée, l’homme était placé à l’endroit où se trouve la télévision aujourd’hui. A ses côtés, nous voyons quelques personnes qui sont présentes dans la salle.

Après des recherches, j’ai pu identifier cet homme : il s’agit d’Hasan Dede. J’imagine que si on le regarde sur une vidéo désormais c’est qu’il n’est peut-être plus là mais je n’ai pas réussi à le vérifier.

En 1h50, nous avons eu le temps d’observer les gens et voir des choses étonnantes. Déjà, je suis impressionné par le niveau d’attention des fidèles qui n’ont pas décroché de l’œil de la télévision. A certains moments nous les voyons concentrés, à d’autres moments nous les voyons rire de bon cœur. D’autres moments sont plus émouvants et certains pleurent à chaudes larmes.

L’homme en question semble l’objet d’une profonde adoration. Des fidèles prennent des photos (de la télévision !), un jeune homme filme même l’écran quand on le voit sur la vidéo à côté du vieil homme. J’ai même vu une femme dont le fond d’écran de smartphone était une photo du vieil homme.

Pour être honnête, ça a un côté un peu flippant, les codes d’une secte sont là. Mais il y a une telle atmosphère d’amour, de sérénité et de bienveillance !

Au bout d’environ 1h30 de vidéo, une vingtaine de touristes pénètrent dans la salle, armés de appareils photos, gopro et autres perches à selfie… quel dommage de briser l’atmosphère du lieu. Certains n’ont même pas pris la peine d’enlever leur casquette… J’apprendrais plus tard en cherchant sur internet que des tours proposent aussi d’assister à cette cérémonie (pour 2,5 fois plus cher), ce qui explique cette arrivée soudaine et massive.

Si clairement, on s’est emmerdés pendant la diffusion de la vidéo, nous sommes contents d’avoir respecté la cérémonie et ne pas être arrivés en simples consommateurs.

Première partie de la cérémonie

Après la diffusion de la vidéo, les fidèles s’agenouillent et forment un cercle serré. Il y a des lectures, des chants accompagnés de percussions et du ney, une flûte à roseau. C’est très joli.

Là encore, tout le monde est très concentré et j’observe les femmes sortir de leurs poches des mouchoirs en papier.

Puis un jeune homme se place au centre du cercle et commence à tourner sur lui même, les yeux fermés, avec tellement de grâce qu’on croyait qu’il allait s’élever dans le ciel. A ce moment là, les fidèles se mettent à crier, en cœur, sans discontinuer « Allah, Allah, Allah », les yeux fermés, tout en frappant sur le sol.

Ils rentrent dans une forme de transe, transpirant pour certains, pleurant pour d’autres, c’est très impressionnant ! Il y avait une telle énergie dans la salle que même Anh était très émue et pleurait à chaudes larmes sans savoir pourquoi.

Ça dure de longues minutes, à tel point que j’ai cru qu’ils attendaient que le jeune homme s’évanouisse.

Ce n’est finalement pas le cas et cette première partie de cérémonie s’interrompt.

Commentaire par Anh : En lisant le livre « Les Initiés » de Jean-Jacques Bedu (lien Amazon), j’ai trouvé quelques extraits pouvant expliquer ce que la séance « privée » que nous avons vue :

Lors de la cérémonie d’initiation, au moment de son admission dans l’ordre, le maître soufi transmet à l’aspirant le dhikr qui « consiste garder toujours présent le nom de dieu Allah et à le prononcer en respectant une certaine technique respiratoire. La récitation du nom de Dieu peut conduire à des états extatiques accompagnés de visions ». […] Shams va initier son jeune disciple au sam (audition mystique),une musique accompagnée de tournoiements […] dont Rûmì n’est pas l’inventeur car elle est pratiquée à Bagdad depuis le IXe siècle -, mais dont il est le plus célèbre représentant avec l’ordre Meveli des derviches tourneurs qu’il a créé, et que son fils, Sultân Walad, va structurer et ritualiser. […] « Entre dans le samâ et tu trouveras l’expression de ce que tu cherches. Si le samà a été interdit aux gens du commun, c’est parce qu’ils sont motivés par l’orgueil et le plaisir. Mais d’un autre côté, pour ceux qui recherchent et aiment la vérité, le samà intensifie ce qu’ils sont et, dans ces moments-là, plus rien n’entre dans leur champ de vision que Dieuro. » Rûmì était capable de pratiquer le samà plusieurs jours de suite et, selon son fils : « Jamais il ne cessait un instant d’écouter la musique et de danser; il ne se reposait ni jour, ni nuit. » […] La symbolique giratoire de cette danse va au-delà de l’extase divine et de la prononciation du nom de Dieu selon les multiples sens du Coran. Autour du maître, intermédiaire entre le Ciel et la Terre, le tournoiement des derviches vêtus de blanc et couverts de noir, qui se déplacent de l’Orient à l’Occident, symbolise celui des planètes autour du Soleil, ou celui des atomes, avec la fission dont Râmì
semble avoir eu la prescience, tout comme celle de la pluralité des mondes et des systèmes solaires, et – bien avant Copernic – celle de l’héliocentrisme. « Ô jour, lève-toi ! des atomes dansent / Les âmes, éperdues d’extase, dansent / À l’oreille, je te dirai où entraîne la danse / Tous les atomes dans l’air et dans le désert / Sache-le bien sont tels des insensés / Chaque atome, heureux ou misérable / Est épris de ce Soleil dont rien ne peut être ditiz. » Aujourd’hui encore, la pratique du samâ – qui est le dernier degré du soufisme permettant
d’atteindre l’unité avec Dieu en éveillant les cinq sens de l’âme demeure ésotérique, comme l’avait révélé Rûmî dans cette célèbre parole, qui cache autant qu’elle révèle : « Dans les cadences de la musique est caché un secret; si je le révélais, il bouleverserait le monde. »

Pause dîner

Petite pause durant laquelle nos hôtes nous offrent de quoi boire et manger. C’est simple mais c’est bon. Durant ce break, ils retirent les tapis du centre de la pièce pour laisser place au parquet.

La sama

Ces le moment de la sama, le fameux tournoiement derviche permettant d’entrer en communion avec le divin.

Certains fidèles ont pris place sur la mezzanine pour jouer des instruments. Ils portent le caractéristique chapeau en poil de chameaux.

Puis d’autres fidèles pénètrent dans la pièce, en plus du chapeau ils portent un long manteau noir.

Après une lente procession, ils retirent leur manteau et laisse apparaître une robe blanche et commence à tournoyer, les yeux fermés.

Etant loin d’être un spécialiste de la cérémonie et de sa signification, je vous invite à consulter l’article Wikipedia pour en savoir plus.

Etant toujours sur notre chaise, nous sommes toujours aux premières loges puisque nous serons même touchés par la robe des derviches.

Je pense que la sama a duré 15 / 20 minutes, ce fût un spectacle envoûtant.

Même si ce fût très long (nous sommes partis à 23h), nous avons été très touchés par cette cérémonie et avons été très sensibles à l’accueil qui nous a été réservé.

Partie 2 : Conseils pratiques

Comment assister à la cérémonie des derviches tourneurs à Istanbul ?

  • Pour y aller, c’est très simple, ouvrez Google Maps et tapez Silivrikapı Mevlana Culture Center
  • Vous pouvez y aller en transport public ou prendre un taxi, de l’ordre de 20-30TL depuis Sultanahmet
  • La cérémonie a lieu tous les jeudis soir. Elle commence à 19h30 avec la séance Questions/Réponses (j’ignore si on voit une vidéo chaque jeudi ou quelqu’un prêche pendant 1h). S’en suit le « allah allah » en cercle pendant une quinzaine de minutes. Puis dîner léger. Puis les derviches tourneurs arrivent.
  • Je pense que si vous voulez zapper la partie FAQ en turc, venez vers 20h45, vous allez pouvoir casser la croûte et voir les derviches
  • La participation est de 50TL/personne minimum (en cash), mais vous êtes libre de donner plus à l’association
  • Les femmes n’ont pas à se voiler
  • Prenez un gilet ou une écharpe car il fait un petit peu froid dans la salle
  • Les turcs sont très gentils à la base, mais les personnes que nous avons croisées ici sont encore plus gentilles, très peace and love, respectueuses et soucieuses du bien-être de chacun : entre eux et aussi envers les touristes. Même s’ils ne nous ont jamais demandé de ne pas filmer/prendre des photos, il y a quand même un gros panneau à l’entrée « turn off your phone ». Il s’agit avant tout d’une cérémonie religieuse, donc essayez aussi de vous montrer respectueux.
  • Mise à jour 2023 : apparemment ce centre est fermé. Vous pouvez assister une fois par mois à la cérémonie locale à un autre endroit (le ticket coûte 50TL), plus d’infos ici
  • Pour des cérémonies plus touristiques :
[Réflexion] #1 : Vivre l'instant présent
Assister à un match de Basket à Istanbul (Turquie)
    Jean-Benoit

    Passionné de SEO, Jean-Benoit a toujours rêvé d'aventures et de grands espaces. Ce tour du monde est pour lui la réalisation de son plus grand rêve.

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